Culture

BAINS MUNICIPAUX : STRASBOURG EUROMETROPOLE

Visite guidée par Pascale Harlez

©P.H.

IMMERSION DANS LE DECORUM DES BAINS MUNICIPAUX DE STRASBOURG

Fermés en novembre 2018, les Bains municipaux restaurés et rénovés se découvrent quelques jours aux visiteurs avant l’ouverture officielle du 8 novembre 2021 aux usagers. Classé Monument Historique, le complexe des bains municipaux allie la dimension patrimoniale et quasi muséale aux usages et au confort normé de thermes contemporains selon une alchimie certaine.

Parcours en images, au gré des éléments.

Etat des lieux en trois revues pittoresques éditées pendant le chantier ©P.H.

Plus que centenaire, la façade minérale en grès des Vosges rayonne à nouveau d’un bel ocre qui illustre ce style néobaroque mêlé de Jungenstil, voulu par l’architecte, urbaniste et peintre allemand Fritz Beblo en 1908. C’est le Heimatschutzstil – régionaliste, que l’on retrouve dans d’autres bâtiments strasbourgeois construits de 1905 à 1918, mais qui fait se démarquer en beauté l’établissement de 1908 en 2021 : il compte parmi les plus remarquables de France, avec ses aménagements intérieurs.

Entrée quasi sacrée dans la rotonde à colonnes : on se sent toujours comme inspiré puis reposé sous la coupole par le tiède souffle des naïades, allégories divines des bains, en poste aux entrées des anciens bains de natation pour Dames et Messieurs – en plein et délié s’il-vous-plaît.

Entre les colonnes, les postures gymniques et opulentes de déesses callipyges, infusent l’hygiène, sinon la panacée, puisque la vocation des Bains strasbourgeois est ad libitum (pour 9 ans au moins sous la houlette de la société privée Equalia) de les promouvoir grâce aux bienfaits de l’eau, de la nage entre autres sports, et de l’art des bains divers.

Le programme iconographique de F. Beblo est conservé jusque dans la reprise du nuancier d’origine retrouvée par une restauratrice d’art et remis finement en lumière : entre blanc grisé, beige et jaune beurré.

Mens sana in corpore sano © PH

Le pronaos des Bains reste emblématique de la politique hygiéniste et sociale de la ville du début du XXème siècle. Et cela perdure fort heureusement.

Demeurent le petit bassin, tout en courbes (des Dames de jadis) et le grand bain (des Messieurs, d’une autre époque) dont l’ampleur est quelque peu supérieure, même si pour des raisons de nouvelles normes de sécurité, la hauteur d’eau s’est vue ramenée de 3m à 1,80m de profondeur maximale.

La pierre polie du fronton de ces temples aquatiques horizontaux est toujours là, pour l’apparat à la portée de tous et le bien-être de l’esprit au milieu des ondes.

C’est en grandes pompes que se jouent les entrées et sorties dans ces bassins dignes d’un palazzo.

On nagera encore sous l’aura des pluies ou jets d’eau et des mosaïques dorées, et dans l’harmonie des cuivres (douches, tuyaux et robinets rutilant sur fond de céramiques d’époque bleu profond ou couleur flamme).

Les matériaux nobles (vitraux, marbre, cuivre, laiton et bois vernis ou peint) et les niches reposantes des cabines et des bancs ont retrouvé tout leur éclat et travaillent de conserve à la splendeur sereine des lieux.

Les mythiques cabines ©PH

L’atmosphère est baignée d’une chaude lumière, toujours filtrée par les gammes chromatiques et les thèmes floraux des vitraux restaurés.

A l’étage, une nouvelle alcôve transparente colonise l’espace entre l’horloge célèbre pour son décor végétal et la balustrade : on y coulera des minutes reposantes en même temps que s’y infuseront quelques tisanes, le breuvage des adeptes de l’espace bien-être balnéo/spa/fitness (prestation à la carte avec un tarif différent du prix d’entrée-piscines).

Certes, la modernité a son empire aussi dans ce lieu qui s’inspirait des palaces et autres lieux de cures thermales de l’Europe du Nord. L’alimentation en eau s’est grandement rationalisée, après l’ingénieuse chaufferie à vapeur dont était doté le lieu à l’origine. Un système économe en chaleur, en eau et en électricité se dissimule en sous-sol et derrière la beauté préservée des cuivres et des parements.

Il en va de même des Bains romains, à l’origine appelés « bains irlando-russo-romains », un ensemble préservé, tout dévoué à l’aquathérapie et aux soins du corps et de l’âme sur le modèle des thermes antiques- lieux prisés de la vie sociale.

L’ancien plan des Bains romains et le parcours-santé préconisé toujours en vigueur ©PH

Cet espace privilégié au cœur de l’établissement et cher au cœur des habitués apparaît toujours comme un joyau architectural et un ingénieux et bénéfique parcours thermal entre les douches et jets variés et les bains typiques – tiède, chaud et froid ; le tout associé aux
étuves de chaleur sèche et humide ainsi qu’aux massages.


« O temps suspends ton vol ! Et vous heures propices suspendez votre cours ! ».

Dans les vagues du Frigidarium / Kaltbad 21° et du Wildbad 34° ©PH
Dans l’étuve à vapeur ©PH
Dans l’étuve sèche ©PH
Au cœur du réacteur, le Caldarium – Bain chaud 36° ©PH

L’ambiance à l’antique ou à l’ancienne persiste dans son rayonnement de céramiques claires, de marbres polis, de courbes et de tons verts, céladon ou bleutés, magnifiés par de précieuses vagues figées en vitrail.

©PH

Le dispositif contemporain, plus rectiligne, surgit au rez-de-chaussée.

A la place de l’ancienne chaufferie, se déploie le spa avec la grotte à sel en briques rose-orangé pour l’halothérapie et le reste, dans une palette de verts plus frais pour des coins inédits :

On se baigne en extérieur au centre-ville, en mode détente, avec promesse de plein soleil toute la journée : cuve inox, bancs bouillonnants, et bientôt, jardin de fraîcheur, sauna extérieur et bar à jus avec zone de vie sociale selon l’événementiel du quartier.

La cheminée de brique domine encore fièrement la zone nouvelle, comme un vestige de l’ère de la fabrication épique de la vapeur.

Non loin de cet espace flambant neuf et pour répondre aux attentes actuelles, deux salles de sports/fitness, etc. crépitent en rouge vif pour servir de cadre aux efforts explosifs des urbains sédentaires en quête de forme.

Au sous-sol, une cuisine donnant sur la rue des bains et ses typiques façades à colombages prônera la bonne diététique, par la pratique et la dégustation.

Vue sur la rue des bains depuis la cuisine pédagogique ©PH

Si les espaces piscines et bien-être sont à investir à des coûts très différents selon les buts et choix et goûts des usagers, la ville de Strasbourg reste propriétaire des lieux tout en délégant la gestion des Bains romains et Spa à une société privée. Néanmoins, le travail des parties prenantes (SPL Deux-Rives à la maîtrise d’ouvrage pour le compte de la Ville de Strasbourg propriétaire des bâtiments, Eiffage Construction Alsace associé aux agences Chatillon Architectes et TNA pour les équipements aquatiques) apparaît à ce titre remarquable : respect du patrimoine et modernisation des structures et des systèmes fusionnent harmonieusement.

Fin de la visite inaugurale ©PH

« Lyrique : « Est-ce une conque, êtes-vous un triton ? »
Naïf : « Ce monument, quand le visite-t-on ? » »

Pour beaucoup d’eurométropolitains, le retour aux Bains ravivera les souvenirs aquatiques d’enfance et d’éternelle jeunesse, le passage des « Tritons », les longueurs souples, les bains de jouvence, au milieu des courbes et conques muséales sous les harmonies florales et thermales . Et pour les autres, une découverte s’impose.


Elémentale, ma chère eau !


Il reste donc à ondoyer sainement dans ce temple des soins du corps et de l’esprit où le patrimoine est remis à flot avec effets : il y a de l’antique, la chaleur de l’ancien, de l’art nouveau et la fraîcheur du baroque contemporain dans l’air et dans l’eau.

Crédit photos Pascale Harlez

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