Par Antoine Spohr
Forum mondial de la démocratie 2022
7-9 novembre à STRASBOURG
Démocratie : un nouvel espoir ?
On persévère en dépit d’un contexte international tendu et dangereux.
« Le 10e Forum mondial de la démocratie (7-9 novembre 2022) recherchera les principaux facteurs contribuant au déclin de la démocratie, examinera comment y remédier, et étudiera quel type d’avenir démocratique est souhaitable – et possible – dans l’intérêt des populations du monde entier »
Voilà un « chapeau » introductif clair du thème 2022.
On comprendra qu’il s’agit de constater d’abord le déclin de la démocratie, là où elle existe, de chercher à stopper cette tendance, de l’inverser surtout et même de favoriser son expansion dans le monde entier, autant que faire se peut et se veut, car il n’y a pas de panacée pour assurer l’idéal démocratique universel si gravement malade.
Il naît ici et se meurt là-bas. Sur quoi est-il fondé ?
Le Conseil de l’Europe, l’initiateur bien soutenu.
Le premier Forum Mondial de la Démocratie est né à Strasbourg il y a 10 ans : le Conseil de l’Europe (COE), l’Etat, la Ville de Strasbourg, l’Eurométropole, la Région Grand-Est où est incluse désormais la Collectivité d’Alsace (CEA), étaient déjà à l’œuvre de concert dès le début et y sont restés fidèlement attachés par la suite.
Dira-t-on un jour « Forum de Strasbourg » pour la démocratie comme on dit Davos pour l’économie (50° forum en 2020 plutôt ploutocratique) ou Porto Allegre pour le « Social », le FMS depuis 2001 (20° édition) ? Avec la persévérance dont les acteurs font preuve, on peut espérer une pérennisation.
Le COE, l’initiateur, accompagné par les institutionnels locaux et l’Etat, l’a mis au monde à Strasbourg et uniquement à Strasbourg où depuis sa création en 1950 sa présence n’est pas contestée.
Ainsi la Ville accède à une appellation prestigieuse au niveau planétaire, en plus de son titre de capitale européenne, hébergeant aussi le Parlement Européen.
Dès lors, elle pourrait peut-être, pour se concentrer sur cette qualification, se permettre de céder à d’autres cités ou institutions, certains ou une partie de ses multiples attributs plus locaux mais qu’elle continuerait bien sûr à gratifier de son rayonnement bienveillant.
D’aucuns y pensent au siège de la CEA et même de la Région Grand-Est. Mais c’est un autre sujet.
De plus Strasbourg vient d’ajouter à ses « distinctions » le titre de Capitale Mondiale du Livre 2024 par la grâce de l’ONU (UNESCO) sans doute attentive à cette aspect que portent des gens comme François Wolfermann et d’autres. Mais c’est encore un autre sujet.
De faiblesses en défaillances jusqu’au reniement.
Si la démocratie apparaît comme un idéal incontournable dans les sociétés modernes, évoluées, du moins le croient-elles, elle connaît des difficultés urbi et orbi et rarement des grands succès ou des gains territoriaux. Deux indicateurs s’accouplent dangereusement : l’abstention de plus en plus forte et l’atomisation « idéologique » si l’on peut dire, (mais c’est encore un autre sujet), des élus par une portion congrue des électeurs. Le cas de la France en est un exemple significatif qui offre un tableau au moins lisible tandis que parfois comme en Hongrie et ailleurs le parti victorieux en arrive à pratiquer une politique anti-démocratique sournoise. En Russie, Poutine est élu démocratiquement comme l’a été Hitler. Les peuples peuvent donc en user et en abuser, naïvement peut-être de cette précieuse démocratie avant d’y renoncer par inadvertance. On peut le dire, c’est le sujet.
Sur la grande scène mondiale.
On classe les pays selon leur degré (indice) de démocratie (pleine, imparfaite, hybride, autoritaire…)
La démocratie peut donc porter au pouvoir une dictature.
« Pas de liberté pour les ennemis de la Liberté », cet aphorisme de Saint Just dit l’Archange de la Terreur pourrait être revisité dans un paradoxe tout aussi troublant en « Pas de droit de vote pour les ennemis de la démocratie ». Compliqué !
Ainsi après avoir atteint par la voie des urnes le sommet de la hiérarchie des mandats politiques, confirmés plusieurs fois comme en 2018 au premier tour avec 76,7 % des suffrages, le président Poutine a pu, en toute quiétude, favoriser l’érosion de la jeune démocratie et glisser vers l’autocratie en bafouant, sans contestations notoires et, disons le, avec un consentement globalement aveugle et sourd aux coups portés aux Droits de l’Homme. S’y ajoutent la corruption, la répression brutale, le contrôle total de l‘information et autres atteintes graves aux libertés fondamentales.
Il n’est évidemment pas le seul mais il est le plus puissant et le plus représentatif des chefs d’Etat de ce type, bien au-dessus de son compère biélorusse Loukachenko auquel il sert de modèle extrémiste ou celui du démocrate illibéral de Hongrie Viktor Orban qui ne peut cacher des velléités.
Au demeurant, le glissement vers des régimes forts semblent très répandu, parfois dans des Etats où l’on croit la démocratie solidement implantée. SOS donc !
Et l’Italie de Mussolini hier pourrait renaître avec Giorgia Meloni qu’on dit peut-être prématurément d’extrême droite. Elle paraît pourtant fréquentable, plus «soft » d’autant qu’elle est entourée et même soutenue par une droite traditionnelle qui lui a été indispensable pour accéder au poste de première ministre.
Plus loin, la Chine avec le président Xi Jinping semble pérenniser un solide pouvoir autocratique offrant tout de même un aspect particulier relevant d’une idéologie communiste radicale, très fortement revisitée. On oublie vite Tian’anmen (1989).
Bien plus loin, on ne compte plus les régimes non démocratiques surtout dans le monde des pays en voie de développement. Alors la démocratie serait-elle aussi un luxe ? Les pays scandinaves, le Canada et l’Australie ont selon Atlassocio le meilleur indice…
A cet égard rappelons que les transitions (politique de la monarchie absolue à la république, économique avec les révolutions technologiques, sociologiques et démographiques, énergétiques et climatiques, etc) ne sont pas synchrones ou simultanées sur la planète. Très décalées elles apportent donc ces différences produisant des accès à la démocratie plus ou moins faciles ou parfois irréalisables.
Alors que faire ?
C’est là que le Forum FMDS que certains trouvent vainement ambitieux a le mérite d’exister pour rappeler voire ressasser les fondamentaux sur lesquels doivent s’appuyer les régimes démocratiques.
Un programme soigneusement élaboré par les équipes du COE, très copieux et ambitieux, offre un aperçu panoramique sur les problèmes et dangers, les préconisations ou solutions qui pourraient répondre au titre choisi quelque peu audacieux et optimiste : Nouvel Espoir ?
Le thème de cette 10° édition est « motivant » mais il sonne davantage comme un SOS, une alerte qui devrait engager et même enrôler tous les démocrates.
Le programme :
Par ailleurs les participations de la Ville, de l’Eurométropole, de la CEA et de la Région feront également l’objet d’une communication élaborée assidue sur l’événement. Une présentation a lieu à l’Aubette à Strasbourg samedi après-midi.
Les étudiants sont particulièrement invités à participer en toute simplicité.
Antoine Spohr