Devant l’avancée des forces indépendantistes du Tigré vers la capitale, le Premier ministre éthiopien décide de revêtir le treillis militaire.
par Alice Ferber
Tensions à Addis-Abeba. Le Premier ministre Abiy Ahmed a annoncé lundi diriger ses soldats « sur le champ de bataille », alors que s’enlise le conflit opposant les troupes du gouvernement central au Front de libération du peuple du Tigré (TPLF). « Retrouvons-nous au front », a-t-il clamé, martial. En cause : les rebelles séparatistes, basés au nord-ouest du pays, assurent contrôler la ville de Shewa Robit, située à 220 kilomètres de la capitale.
400 000 cas de malnutrition sévère
Survenue le 4 novembre 2020, la guerre civile a plongé plus de 400 000 civils dans une « malnutrition sévère » et provoqué le déplacement de deux millions d’Éthiopiens. Mercredi, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a appelé à un « cessez-le-feu immédiat et inconditionnel afin de sauver le pays ». Une « ingérence », selon Abiy Ahmed. L’ambassade de France a exhorté ses ressortissants à quitter l’Ethiopie « sans délai ».

Le Premier ministre a pourtant remporté le prix Nobel de la Paix en 2019, après avoir signé un accord de paix avec l’Érythrée. Son attitude belliqueuse prouve que « le prix Nobel lui a été attribué trop tôt », estime Elise Dufief, spécialiste de l’Éthiopie. Dans cet État où cohabitent 80 ethnies, les affrontements territoriaux se superposent à ceux identitaires : « les autorités centrales ont tenté d’imposer une vision unique qui entre en conflit avec les visions multiples portées par les périphéries ».
Crimes contre l’humanité
Alarmée par le recul des libertés, Amnesty International dénonce le « recours à une force excessive, parfois meurtrière, à des atrocités et au viol comme arme de guerre ». L’ONG qualifie les massacres commis par les troupes érythréennes combattant au Tigré de « crimes contre l’humanité ».

« Avant, l’Éthiopie jouissait d’un statut de moteur régional, poursuit Elise Dufief. Mais si la situation continue à se détériorer, il est difficile d’imaginer que ses voisins seront épargnés ». L’instabilité de l’Éthiopie risque d’affaiblir la Corne de l’Afrique, en particulier deux États limitrophes déjà exsangues : l’Érythrée et le Soudan.
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