Pour endiguer la pandémie, le ton n’est plus à la conciliation. De plus en plus de gouvernements européens montrent les muscles afin de contenir une cinquième vague qui s’annonce fulgurante.
par Aliénor Bierer et Alice Ferber
« Vraisemblablement, à la fin de l’hiver, chacun sera vacciné, guéri ou mort » en raison de la propagation du variant Delta « très, très contagieux », a déclaré hier Jens Spahn, ministre allemand de la Santé. Une déclaration choc qui fait suite à l’explosion des contaminations au Covid-19. Depuis début novembre, l’Europe serre la vis, au grand dam d’une minorité virulente de sa population. Le relâchement des gestes barrières, l’arrivée de l’hiver, la pénurie des soignants ainsi que la perte d’efficacité du vaccin six mois après la dernière dose laissent craindre une cinquième vague fulgurante.

26 % de vaccinés en Bulgarie
D’après le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, la France recense 17 000 cas par jour en moyenne, tandis que le taux d’incidence s’élève à 164 pour 100 000 habitants. Ailleurs, l’Autriche a été le premier pays à dépasser la barre des 1000 contaminations pour 100 000 habitants ce mois-ci. Le 20 novembre, les Pays-Bas comptaient un taux d’incidence à 750 et la Belgique à 685. Dans la plupart des pays d’Europe, les contaminations augmentent et la cinquième vague s’installe.
La semaine dernière, ces gouvernements européens ont choisi de raffermir leurs mesures. À commencer par l’Autriche, 65 % de vaccinés, premier pays d’Europe à rendre la vaccination obligatoire ce vendredi. Le 15 novembre déjà, la Lettonie autorisait les patrons à licencier leurs employés non vaccinés, tout en excluant les élus locaux et nationaux non immunisés. À l’inverse, la Bulgarie se contente d’un faible taux de vaccination (26 %). Une situation « inacceptable » pour le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton qui craint l’apparition d’un « variant bulgare » au cœur de l’Europe.
De quoi provoquer des dommages collatéraux. Les emblématiques vélos hollandais ont brûlé ce week-end à Rotterdam, La Haye et Groningue. En Autriche, c’est le parti libéral (FPÖ, extrême droite) qui a conduit samedi 35 000 manifestants devant la chancellerie, drapeaux en main, pour protester contre la vaccination obligatoire à partir du 1er février. Dans plusieurs villes des Pays-Bas, les manifestations contre les restrictions sanitaires et le projet de passe vaccinal du gouvernement ont tourné à l’émeute ce week-end. « Des idiots », tonne le Premier ministre Mark Rutte. Il est loin le temps de l’incitation à la vaccination. Ces positions intransigeantes feront-elles effet boule de neige dans toute l’Europe ?
« Les doutes d’un pays déteignent sur ses voisins »
La santé publique n’est pas une compétence exclusive de l’Union européenne, mais une prérogative partagée avec les Etats membres. Dans cette Europe à plusieurs vitesses, serait-il plus efficace d’harmoniser les mesures ? « Une centralisation européenne ne serait pas forcément efficace, tranche Gaël Coron, auteur de « l’Europe de la santé ». Il faudrait avoir une bonne connaissance des spécificités de chaque région, des administrations locales plus performantes, et davantage de communication ». Le chercheur rappelle que même à l’intérieur d’un pays, la centralisation n’est pas toujours privilégiée, comme en Allemagne. Dans cet État fédéral, chaque région (Land) dispose de son propre ministère de la Santé.
Gaël Coron souligne aussi l’importance du mimétisme dans la prise de décision : « Les doutes d’un pays déteignent sur ses voisins. Lorsque l’Allemagne a suspendu l’inoculation du vaccin AstraZeneca en mars, la France a été contrainte de l’imiter ». Pour preuve, la Suède, d’abord opposée à des mesures strictes, réfléchit désormais à imposer « la vaccination obligatoire pour les personnes travaillant dans le soin, la santé et avec des personnes âgées », selon Bengt Johansson. Pour ce professeur de communication politique à l’université de Gothenburg, « l’introduction de passeports vaccinaux dans d’autres pays, comme l’Autriche, a modifié la position suédoise ». À l’approche des fêtes de fin d’année, la France redoute elle aussi d’avoir à durcir sa politique vaccinale.
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