Culture

Théâtre du Peuple de Bussang : l’envol pour la sortie de 13 diplômés de l’ENSATT

La pièce présentée semble écrite pour eux, pour leur première sortie professionnelle en Théâtre national. L’ENSATT les a formés pendant 3 ans. Jeunes diplômés (promotion 80), Bussang leur offre la piste d’envol.

Pas étonnant, le metteur en scène, Simon Delétang, est un ancien de la même école prestigieuse de Lyon (promotion 61) ; pas étonnant encore que pour réaliser leur choix, ils aient fait appel à son talent qu’il a déjà pu exercer à Bussang ; pas plus étonnant non plus que ce soit Nicolas Mathieu le jeune auteur, prix Goncourt 2018, qui ait été choisi pour son roman primé «  Leurs enfants après eux » (2018, Actes Sud, 425 p).

Leurs enfants après eux | Actes Sud
Roman de Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018

Pièce traditionnelle ou lecture illustrée par le son, les décors et surtout, les prestations des comédiens ?

De quel genre de spectacle s’agit-il ? Pas conventionnel, plutôt contemporain, moderne au rythme soutenu et surtout avec des acteurs si jeunes et déjà si bons pour nous offrir « des bouts de vie d’un passé lointain », nous dit le metteur en scène. 

Une surprise et une découverte en tout cas.

D’ailleurs, les spectateurs qui ont lu le livre constateront que ne sont pris en compte que des fragments significatifs choisis pour faire vivre cette jeunesse désemparée dans une région sinistrée par la perte brutale des emplois dans les mines de fer et de la sidérurgie qui s’y rattache, en Moselle, en bordure du Luxembourg et de l’Allemagne, près de Hayange rebaptisée Heillange au début des années 1990.

Les personnages féminins comme masculins sont interprétés par des acteurs qui passent donc d’un rôle à l’autre quasiment en rotation. Aux spectateurs d’être attentifs ! Simon Delétang a tenu à ce que le texte (dialogues ou récit) soit strictement respecté. Le metteur en scène a le même âge que l’auteur, les deux sont nés en 1978. Ils avaient donc l’âge des jeunes des années 90 qu’ils font vivre ici, d’où une belle collusion dans cet ensemble et dans un langage authentique et parfois « choquant », surtout en matière sexuelle.

Astucieusement ces pages audacieuses d’un érotisme de découverte initiatique, sont suggestives et même montrées pudiquement mais clairement, sous des tentes réparties sur la scène ou même dans une Twingo garée au-delà de la scène dans la nature vosgienne qui, par magie, apparaît quand s’ouvre la gigantesque porte derrière la scène. Une originalité fameuse de plus ! Magnifique, unique, toujours attendue par les fidèles du site ! 

La scène ouverte sur la forêt vosgienne

Des fragments du récit sont dits par des comédiens rappelant un coryphée du théâtre antique ou un récitant, comme les dialogues là encore joués par des acteurs en permutation mais scrupuleusement tirés du texte sans faille comme l’affirme le metteur en scène, Simon Delétang. L’auteur Nicolas Mathieu approuve le choix fait dans son roman de plus de 400 pages, cela va sans dire.

Ceux qui l’ont lu peuvent être séduits et tout de même un peu frustrés. En effet, on peut espérer que l’histoire de la moto tragique comme l’omniprésence de la drogue et la violence qu’elle génère, seront pris en compte dans le film. Nous croyons savoir que les droits ont été acquis mais la crise sanitaire perturbe la suite.

Après la très belle prestation d’Anne-Laure Liégeois visitant à sa manière le Peer Gynt de Ibsen, le Théâtre du Peuple nous offre là encore un spectacle original de haute qualité. Curieusement, nous avons constaté qu’en dépit de passages parfois un peu « crus », un public principalement d’âge mûr a offert une longue ovation, debout après plus de 3 heures, les yeux braqués sur la scène. Le charme du couple talentueux Nicolas Mathieu/Simon Delétang, à peine quadragénaire et surtout le travail exceptionnel et la beauté des jeunes comédiennes et comédiens opèrent à merveille. Belle jeunesse !

Antoine Spohr

  • ENSATT : École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre
  • Le spectacle est donné jusqu’au 4 septembre à 15 h

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