Culture

Bussang au Théâtre du Peuple

On repart avec un spectacle très fort : Peer Gynt de Ibsen

Par Antoine Spohr

OUI du 3 juillet au 1er Août « Cours-y vite »

Le public pourra, pour les uns retrouver les lieux et pour d’autres les découvrir, pour un spectacle étonnant et magnifique. « Peer Gynt » de Henrik Ibsen parfois soutenu par de brèves illustrations sonores de l’ami et comparse Edward Grieg. Mise en scène audacieuse et très finement emphatique presque délirante, onirique et fantastique de Anne-Laure Liégeois servie comme d’habitude au Théâtre du Peuple de Bussang par une troupe bien étoffée de comédiens professionnels et surtout d’amateurs de la troupe du Théâtre du Peuple sans qu’apparaisse une quelconque hiérarchie. Si ne n’est par des astérisques sur le programme.

Nous oserons, nous soustrayant cependant à ce généreux principe « tous premiers ex æquo », une mention spéciale pour Olivier Dutilloy qui EST un Peer Gynt extraordinaire, rien de moins. Un grand monsieur ! Photo ci-dessous la réplique en jeune promet mais il lui reste des caps à passer (virtuellement bien sûr).

Peer en version vieilli et le jeune bad boy. On pourrait par la magie du théâtre imaginer qu’en quelques quelques dizaines de minutes le jeune Peer a beaucoup vieilli. Boileau aurait suffoqué mais sait-on jamais….

Ou plus magique encore en sens inverse

Et tout le travail dit accessoire

La scénographie est ce point astucieuse qu’elle utilise de grandes toiles qui tombent du ciel et deviennent le fond significatif. Bravo c’est beau et çà marche. On s’y croirait et on y est, puisqu’on y croit.

Miracle : le spectateur fait partie d’un ensemble puisque la scène s’ouvre à lui par l’apparition des comédiens, jaillis des côtés  ou d’une scène pratiquée au fond de la salle et nous voilà cernés. Nous faisons désormais partie du spectacle puisque nous sommes dedans, physiquement intégrés. Merveilleux. Ce n’est pas que l’astuce Mme Liégeois que nous aimons mais davantage la belle idée du partage partagé. Et tout çà avec un merveilleux sourire, installé. Beau !

Non monsieur Boileau, il n’y a plus de règle des 3 : « qu’en un lieu, en un jour, un seul fait accompli tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli »

Le temps ? celui d’une vie ; le lieu ? partout, même au-delà de la planète, du domaine des trolls dans la mousse des forêts à l’espace imaginé ; un fait accompli ? Une existence parfois scabreuse agitée tempétueuse… Mais le tout est un tout en un.  Ce qui n’exclut pas, le respect pour Boileau. C’est complexe même dans le spectacle, cher Edgar Morin !

Enfin de quoi faire une pièce insolite, dramatique, unique qui fait du nom du héros éponyme une antonomase (comme Harpagon pour avare). Pardon ne dites pas d’un mauvais garçon, un bad boy que c’est un Peer Gynt ou un Kane (citizen) car on pourrait voir ce personnage peut être tour à tour méprisable, vaniteux, effronté, cruel et pourtant intéressant dans sa quête de soi-même : il se veut roi, empereur même de là planète et plus loin, avec une persévérance et un acharnement admirables renonçant à l’amour. Mais qu’on ne le prenne pas pour Don Quichotte non plus!

Le registre de l’amour est peu présent si ce n’est dans les chahuts de l’adolescence, dans la première partie et dans la dernière, une jeune fille passant par là fredonne la chanson de Solweg (l’amour de jeunesse) avec la musique de Grieg, le vieux Peer s’immobilise, se gratte la tête, ému peut-être aux larmes mais, magnat perclus de tunes comme aurait dit le jeune Peer il reste imperturbable sauf dans un éclair, où il semble chasser un souvenir qu’il emportera sans doute dans sa disparition en forêt comme un troll retrouvant sa place…

Une tragédie, un poème ou un récit romanesque, onirique même fantasmé, dans une langue délicieuse mais forte, un chapelet de contes nordiques, un questionnement « psy » ou « socio »sur la condition humaine car nous avons tous sûrement en nous quelque chose de Peer Gynt?

Que dire si ce n’est cela et qu’il faut voir ce spectacle.

Antoine Spohr

1 réponse »

  1. Merci, Antoine et Eurolatio, de mettre avec autant de finesse que de force l’eau à la bouche des internautes pour cette reprise théâtrale longtemps attendue au magique et rustique BUSSANG !

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