« Et maintenant que vais-je faire ? Dans quel néant… ». Néant quand même pas, l’exercice restant démocratique mais difficile et pour certains incompréhensible.

On a beau scruter les programmes quand il y en a, essayer de comparer les profils des candidats, analyser les listes régionales avant synthèse selon ses aspirations démêlant le bon du moins-souhaitable, les choix en deviennent souvent hybrides, façon « macronie », celle du « en même temps », donc intrinsèquement impraticable et dès lors, il faut trier et choisir dans un dilemme cornélien en laissant tomber des candidats pourtant souhaités au profit d’autres parfois beaucoup moins appréciés sur la liste pourtant choisie.
D’ailleurs, les candidats d’une même liste partagent-ils tous la même position sur la question de la sortie du Grand-Est par exemple et bien d’autres sujets ?
Cet aspect peut choquer en aparté discret car, par ricochet, il nuit à Strasbourg, ville à part, unique qui devrait être considérée comme le diamant solitaire rayonnant de tous ses feux sur toute l’Europe.
La CEA, (Collectivité Européenne d’Alsace, sorte d’exception alsacienne),
est certainement rédhibitoire pour de nombreux électeurs qui ne sont pas du premier cru de l’AOC Alsace, parfois voisins très proches comme les Lorrains et particulièrement les Mosellans, d’autres parfois d’origine plus éloignée du « Ländel » ou mixés, bâtards.
Evidemment ces « Alsaciens là», les premiers, sont souvent des urbains, les ruraux étant plus profondément imbriqués dans leurs racines, ce qu’on comprend. Une expression dialectale ironise d’ailleurs à l’égard de la première catégorie, avec une suspicion qui frise le mépris en les déclarant les « bigelofene », les « accourus » qui se presseraient autour de la mangeoire des nantis. Des immigrés par pauvreté en quelque sorte méprisés comme, par exemple, jadis en Italie les pauvres du Mezzogiorno ou du talon de la botte accourus dans le Nord pour se gaver dans l’opulente plaine du Pô. « Pauv’types » ? On sait que cette attitude qui frise la relation de domination ploutocratique dénuée de toute noblesse, est très répandue sur la planète, entre Continents, Etats, Régions et jusque dans les localités voire dans les quartiers, les immeubles, les foyers…. On sait aussi qu’elle fait des dégâts, en méprisant la solidarité au profit de l’individualisme.
Nous sommes, dans ces élections, un peu dans un tel cas de figure.
L’Alsace est impérissable
et n’a pas besoin de renaître car elle n’est jamais morte. Ce qu’un référendum n’a pas pu réaliser, il y quelques années (2014), les élus territoriaux l’ont fait avec l’aide complaisante du gouvernement. Dont acte.
Nous aimions l’Alsace, son Histoire, ses paysages, ses habitants, ceux ancrés depuis des générations comme ceux qui y ont trouvé un anneau pour amarrer leur embarcation depuis peu. Elle est unifiée par la fusion des deux départements. Très bien; enfin entre bas et haut, une région du Rhin comme d’autres, une province peut-être et plus, dans la tête de certains régionalistes. Ceux qui ont voyagé savent qu’à l’étranger, on ne connait pas les départements 67 ou 68, mais l’Alsace, oui.
Certes les clichés (les 5 C : colombages, coiffe,choucroute,cathédrale, cigogne) contribuent superficiellement à cette renommée dans laquelle dominent quand même la culture et l ‘art de vivre, surtout, car il y a en effet une culture alsacienne et pas seulement dans la gastronomie mais surtout dans les arts, tous les arts, dans les merveilles de temps bien lointains celui des cathédrales, de la peinture de la Renaissance à nos jours, dans des ateliers de peintres et dans les galeries de haut-niveau ou encore, dans la musique par des grands noms mondialement connus, dans les chants de chanteurs-poètes délicieux, les chorales, les orchestres remarquables et on pourrait en dire et encore en dire… comme le théâtre alsacien : ceux qui ont vu par exemple « D’r Herr Maire » de Gustave Stoskopf (1869-1944), dramaturge, peintre, journaliste ne peuvent qu’être enchantés. Stoskopf était à l’aise à Paris comme à Berlin. Bizarre, non ? Et le très grand, l’immense alsacien Albert Schweitzer… docteur trois fois, en Europe et ailleurs ? Et d’autres, tant d’autres…. comme des entrepreneurs, les nouveaux, récents comme les Schmitter, les Formhals…..Incroyables, fastueux, géniaux….
Oui on l’aime et comment, cette Alsace que Marcel Rudlof, ancien maire de Strasbourg qualifiait de « pays de cocagne »! Sa langue, dialecte alémanique ou francique et « l’accent » qu’il induit en français doivent, l’une comme l’autre être encouragés. Ils font partie de l’Histoire Si vous voulez sauver l’alsacien commencez par le parler, le lire, l’écouter dans des chansons ou au théâtre. Qui oserait proposer un test d’alsacien à tous ceux qui se veulent les promoteurs sans en être des locuteurs ? Oui, il y en a et beaucoup, même parmi les élus de tous rangs en recherche d’une identité électoralement plus attirante! Ils se trompent.
D’ailleurs comment faire autrement que de l’aimer ?
Alors pourquoi cette réticence sur la CEA ? De notre point du vue, parce qu’elle est très critiquable pour des effets annexes néfastes, telle qu’elle est ressentie de l’intérieur par les dits « bigelofene » ,Beigelaufenen en allemand (souvent pour le plus grand bien de la Région) et surtout les voisins proches y compris ceux du Grand-Est et même de tout le pays . « Extrawurst » saucisse spéciale ! Prétention, suffisance, mépris l’emportent sur la fierté, la joie et la foi dans l’avenir qui pourraient s’afficher légitimement.
Strasbourg voit son image floutée

La radieuse ville de l’Europe dont elle est la capitale incontestable pourrait bientôt être ravalée à un niveau de chef-lieu d’une province, belle certes mais dans le regard de certains, un tantinet sécessionniste ou au moins fièrement régionaliste dans une république que nous voulons pourtant, une et indivisible .Cela n’arrivera pas, les votes dans l’Eurométropole le prouveront.
Strasbourg doit rester unique et ne doit pas être vue à travers ce prisme-là et aurait beaucoup à y perdre notamment l’aura dans laquelle elle baigne car choisie par l’Histoire et la Géographie pour être l’incarnation, le cœur du projet européen abouti. Oui, ne lui ôtons pas ce lyrisme. « Oh Strasburg du wunderschöne Stadt » chantait-on dans les foyers, aussi en Moselle ou même à Metz qui s’est d’ailleurs proclamée également eurométropole, en réaction, la Moselle ayant des frontières « vécues » avec le Luxembourg, la Belgique et l’Allemagne. Devrait-elle y ajouter l’Alsace comme une terre étrangère ? S‘il y a une erreur patente dans la création du Grand-Est, c’est que l’aspect frontalier « partagé » n’a guère été pris en compte.
Pourtant le « limes »romain est devenu une route de jonction, les marches des espaces d’osmose entre les morceaux d’Europe, fondamentalement semblables, de plus en plus.
Ajoutons encore au désarroi un détail fastidieux mais qui ne concerne guère que l’Alsace et la Moselle, le problème de la langue ou des dialectes. Ceux-ci cacheraient un attachement particulier à certains avantages ou inconvénients ( le statut local hérité d’une histoire très douloureuse qui a épargné bien d’autres régions) hors de l’aspect religieux qu’agitent des laïcs à raison peut-être mais parfois un peu excessifs, mais ne nuit grandement à personne. On ne peut invoquer la tradition et en rejeter une au passage.
Et au fait, parlez vous alsacien ? De nombreux Alsaciens pur jus pourtant ne le parlent pas.
Moi votre serviteur, né à Metz de parents sarregueminois, je dis oui, je le parle fortement germanisé peut-être et je chante en alsacien surtout francique et j’en dirais et j’en dirais …..et continuerai à chanter Sylvie Reff, Siffer, Engel, Egles « awer wenn de owed kloke litt, weiss er, s’isch Zitt » …. Un de garte bliet so schen »(René Eglès)
Et c’est beau et paisible comme un soir d’été.
Antoine Spohr
Catégories :Française, Parlement Européen
C’est si vrai et si bien dit 👍🏽