Cinéma

Cherry : récit d’une descente aux enfers

Par Morgane Geoffroy

Adapté du roman semi-autobiographique de Nico Walker, Cherry retrace le destin funeste d’un jeune Américain originaire de Cleveland. Embrigadé trop tôt dans une guerre qui a pour seul mérite de lui avoir laissé la vie sauve – lui faisant grâce au passage d’un sérieux syndrome post-traumatique. 

Tom et Clara (bande annonce du film)

Tom Holland interprète à la perfection ce vétéran qui sombre dans la dépendance aux opioïdes et qui devient braqueur de banque pour entretenir sa consommation. Cherry, c’est le récit d’une descente aux enfers d’un garçon trop jeune pour faire les choix qu’il fait, choix qui vont pourtant déterminer le reste de sa vie. 

Ce long métrage (2 h 20), long certes mais sans que l’on s’y ennuie. 

Si le départ est un peu lent, il permet au spectateur de s’installer confortablement dans son canapé (à défaut d’être dans un bon vieux siège rouge). Les nombreuses adresses de Cherry (interprété par un Tom Holland brillant comme dit ci-dessus, auquel ne s’accroche aucune soie d’araignée) à la caméra, à la manière d’un monologue théâtral, détonnent quelque peu, d’autant plus que les premières apparitions d’Emily (jouée par Ciara Bravo), semblent des plus artificielles et construites – tout est mis en œuvre pour installer ce futur ‘fil rouge’, cette trame propice à la narration.

Cet incipit en images est long et les multiples ralentis étendent le temps tout en lui donnant une consistance réelle : les flux et reflux sentimentaux du protagoniste, traversé d’un amour pur, ne pourraient être mieux représentés que par ces longs temps d’arrêt sur le visage d’Emily, capturé dans un rayon de soleil, qui semble éblouir le jeune homme. Puis surgit une première dispute et soudain tout s’accélère ; les dialogues, les personnages, les mouvements, les décisions, bientôt tout surabonde. Comme poussé vers son destin funeste par un malin génie, Cherry s’engage dans l’armée, sans trop savoir pourquoi et surtout, parce qu’il n’avait rien de mieux à faire. 

« Mon seul vrai mérite, c’est d’être revenu vivant »

C’est là quand tout s’accélère que tout part en fumée. Entraînements, armes, explosions, sang : tout résonne dans la tête de Cherry qui finit par s’y perdre. À son retour la chute infernale ne fait que débuter et seules des doses d’héroïne parviennent à étouffer les souvenirs trop violents. Mais la chute n’est pas terminée ; non, elle se poursuit et l’entraîne dans une autre forme de délinquance : braquer pour survivre, parce que sans sa consommation, Cherry est fini et Emily aussi. 

Cette descente aux enfers, c’est une raréfaction des dialogues, une ambiance pesante et instable, un temps de nouveau élastique ; une absurdité qui se dévoile aussi : les noms des banques sont en carton, l’artificialité est révélée au grand jour. Pourtant la théâtralité n’essouffle pas le film .

Au contraire, elle lui donne plutôt un second souffle : elle ironise la chose, elle dédramatise et rassure le spectateur, lui-même pris dans cette spirale vicieuse. 

Cherry, c’est l’illustration du principe d’écologie de l’action1, c’est le récit de l’inexorabilité des évènements qui concourent à l’accomplissement d’un destin. Ce portrait humain d’un vétéran devenu accro à la drogue, c’est une lettre mettant en garde contre le refuge que paraissent offrir les stupéfiants. L’alternance entre l’accélération et la décélération illustre le souffle du protagoniste, pris par les torrents de la vie sans aucune ancre autre qu’Emily. 

Cherry

Réalisé par Joe et Anthony Russo

Avec Tom Holland, Ciara Bravo

Date de sortie : 12 mars 2021

Disponible sur Apple TV+

Durée : 2h21

Catégories :Cinéma, Culture

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