Parlement Européen

Il était une fois dans l’Est

Par Gabriel Grosrenaud

Genèse et évolution de l’environnement politique structurel

« Grand-Estien » en perspective large dès ma naissance, bien sûr à mon insu, venant d’une principauté wurtembourgeoise (Montbéliard) au sud de Ferrette, également un peu suisse sur les bords, devenu strasbourgeois d’adoption il y a plus de trente ans, j’observe avec un intérêt teinté de stupéfaction certaines « tonitruances » en soubresauts réjouis à la naissance dans le Grand-Est, en France et la « plongée » dans les fonts baptismaux pas très catholiques, d’une CEA.

Il s’agit assurément moins du Commissariat à l’Energie Atomique construit par l’architecte Auguste Perret sur le plateau de Saclay à la fin des années 1950, que de la Collectivité Européenne d’Alsace fraichement portée, toute vagissante à l’ouïe, à la vue, je n’ose pas dire à l’odorat -tant qu’il nous en reste- des médias nationaux en mal obsessionnel d’une information sur la COVID, guettée à Paris surtout, en ce début janvier 2021. Il ne s’agit que d’une comparaison de sigles et « honni soit qui mal pense » à une autre interprétation ou suggestion explosive.

On dirait au pays de la feuille d’érable et à qui veut l’entendre, « je suis tombé en amour avec Strasbourg » en venant y réaliser mon parcours universitaire, bien que toujours resté par ailleurs méfiant et tout à fait dubitatif vis-à-vis d’une certaine Alsace. 

Cathédrale Notre Dame de Strasbourg

Le Serment

Mais de quoi ou de qui faudra-t-il libérer Strasbourg cette fois-ci ?

Depuis tout ce temps, je ne « jure » que par Strasbourg, fidèle à Philippe Leclerc de Hauteclocque et à ces hommes, prononçant le serment de Koufra, (« Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg. » 2 mars 1941).

Tout d’abord, quitte à en choquer certains, je pense que Strasbourg ne joue pas dans la même cour que la région, les départements ou la nouvelle CEA. 

Monument dédié à Philippe Leclerc de Hauteclocque et au serment de Koufra –
Opéra du Rhin – Strasbourg 2021 01 08

Strasbourg est une « ville monde », comme on en définit quelques unes. De celles qui sont « capitales » au sens de l’histoire et de l’humanité. Ce n’est « essentiellement » ni la capitale de l’Alsace, ni celle du Grand-EST, mais cela renvoie à quelque chose de transcendant laissant loin derrière ces bien modestes clichés pour lesquels je ne partage aucun combat. Sans une once de haine cependant.

Le temps des troubles

Les manifestations à Strasbourg et ailleurs en Alsace visant à s’opposer à la création de la région Grand-EST et alliant la Carpe et le Lapin parmi ses participants, ont toujours été pour moi une vilaine surprise me renvoyant à la méfiance originelle ressentie à mon arrivée à Strasbourg, vis-à-vis d’une « certaine Alsace ».

A cette occasion, on a donné de Strasbourg un spectacle assez navrant tant les revendications qui s’y mélangeaient ne correspondaient pas à une autre vision que strictement alsacienne pour la Ville. Lisez donc le joli petit livre « La merveilleuse histoire de Strasbourg » qui vient de paraître sous la plume et les pinceaux d’amoureux de Strasbourg avec le Pr. Bischoff à leur tête. Il y est peu, très peu question d’Alsace. Curieux non ?

Du drapeau alsacien hissé au sommet de la cathédrale (nous sommes loin des « belles couleurs » évoquées par le Philippe Leclerc de Hauteclocque… il y manquait furieusement du bleu!) aux graffitis évocateurs laissés un peu partout sur les murs du quartier du Wacken lors de la manifestation du 11 octobre 2014 à Strasbourg, rien de tout cela ne me convient ! Ma patrie est la France une et indivisible, membre éminent de l’Europe.

Aujourd’hui, pour les mêmes motifs et d’autres qui me tiennent vivement à cœur, la création de cette CEA ne me convient donc pas davantage.

Graffitis évocateurs tagués partout autour de la Place de Bordeaux à l’occasion de la manifestation du 11 octobre 2014 à Strasbourg.

En effet, quoi qu’il en soit et pour finir, tout cela nuira à Strasbourg, à commencer par le regard étonné des voisins immédiats et même au-delà des frontières. Tous les départements ou régions frontalières n’ont-ils pas vocation à créer une Collectivité européenne de… Lorraine par exemple, bordée par l’Allemagne, le Luxembourg et la Belgique… et bien d’autres aux confins de l’hexagone.

Memento finis

L’incarnation de l’âme de l’Europe ne peut se conjuguer à l’aune de combats idéologiques entre Jacobins et tenants d’une certaine autonomie qui revendiquent une survie régionale sans même vraiment savoir qu’en faire…

S’il s’agit de définir -et c’est loin de n’être que cela- une nouvelle structure territoriale au bénéfice cette fois de Strasbourg, ce sera une sorte de territoire au delà des frontières, un « District de Strasbourg » enjambant le Rhin pour embrasser Kehl et des villes rhénanes proches de l’Oberrhein, délivré de toute autre structure administrative française et dédié de façon « capitale », entité européenne propre. Plus loin que « Washington DC » qu’on ne peut s’empêcher d’évoquer en oubliant les évènements récents affligeants.

Cette belle -celle-là- « exception française » permettrait peut-être de gommer aux yeux du reste de l’Europe ce qui l’empêcherait encore d’incarner la capitale des peuples, de la démocratie et de façon inconditionnelle, celle du Parlement européen unique, arraché enfin définitivement et complètement à Bruxelles.

Au lieu de cela, la CEA bien insignifiante vient déjà affaiblir le seul combat qui vaille pour notre territoire et qui emporterait tout le reste de façon naturelle et indiscutable.

En effet, l’avènement de cette CEA donne du grain à moudre aux Jacobins de Paris qui pour certains se frottent déjà les mains en voyant se diluer et s’affaiblir le seul combat qui vaille, celui pour Strasbourg, mené par la population et ses élus dont nombreux sont malheureusement ceux qui sont déjà passés et passent encore sans vergogne, d’un combat à un autre tout à fait antinomique -Grand EST- CEA…, enfin Strasbourg la ville fécondant tout autour d’elle sans mépris pour les autres, par raison et par amour et surtout sans haine. 

La supplique

Au secours Philippe Leclerc de Hauteclocque, je veux qu’à la fin ce soit à nouveau Strasbourg qui gagne cette bataille franco-française clivante, alors qu’en réalité il n’y a pas de raison de s’opposer à ce que deux départements qui ne l’ont pas voulu par referendum (le 7 avril 2013), fusionnent à la seule demande d’élus au scrutin de liste

Œuvre originale d’Amaury Grosrenaud, suggestive.

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