Parlez moi d’amour, parlez moi d’arbres, redites moi des choses tendres

Par Amaury Grosrenaud

« Auprès de mon arbre,
Je vivais heureux,
J’aurais jamais dû m’éloigner de mon arbre,
Auprès de mon arbre,
Je vivais heureux,
J’aurais jamais du le quitter des yeux »

Georges Brassens, « Auprès de mon arbre »

Les jours passés confinés ou soumis à couvre-feu, laissent certains d’entre nous à contempler cet « au-delà » désiré et interdit, derrière des vitres embuées. Les vues de notre quotidien sont précieuses, celles de nos itinéraires et de nos promenades, or parfois, ces mois derniers elles ont beaucoup changé. 

Les arbres, nos vénérables compagnons sylvestres, s’ils semblent avoir toujours été là, laissent aussi penser qu’ils le seront toujours : des éléments immuables dans l’impermanence urbaine. Ils nous sont d’un grand réconfort, et sont même nécessaires à notre bonne santé -dont mentale- comme le soulignent plusieurs travaux de recherche scientifique. Dépression, stress, anxiété, qui d’ailleurs augmentent sensiblement du fait du contexte sanitaire actuel, sont également accentués par l’absence d’espaces verts. En somme, la seule vue d’un arbre est favorable à notre bien-être, alors ne devrions-nous pas la défendre ? 

Pourquoi les abattons-nous : syndrome Pourtales ? 

Alors pourquoi, comment ces arbres disparaissent parfois du jour au lendemain ? Pourquoi sont-ils abattus ? Comment la décision est-elle prise, et quels en sont les motifs ? 

Rappelons que l’Eurométropole de Strasbourg a mis en place un protocole de surveillance du patrimoine arboré, détaillé sur son site internet. Il y est d’abord expliqué que le milieu urbain exerce une contrainte importante sur les arbres, et que celle-ci les fragilisent. Par exemple, leurs racines peuvent ne plus suffire à les ancrer au sol à mesure qu’ils grandissent et leur poids avec eux, ou leur santé se dégrader dangereusement. Aussi, pour éviter une « rupture ou un basculement » un entretien attentif est-il nécessaire. C’est pourquoi l’ensemble des arbres de la ville font l’objet d’un suivi. Une fois tous les 4 ans, un expert arboricole analyse les arbres et leur attribue une catégorie de suivi, justifiant au besoin d’examens plus réguliers pour suivre les évolutions de leur état. 

Les experts arboricoles au travail, photo de l’Eurométropole de Strasbourg

Alors, le site de l’Eurométropole précise que « s’il s’avère que l’état de l’arbre devient critique et qu’il peut présenter un risque pour le public, les experts préconisent son abatage (sic) : d’ordre sécuritaire pour les arbres présentant un danger de chute ou de rupture et qu’il faut donc abattre rapidement ; d’ordre sanitaire à plus long terme (3 mois à 1 an) pour les arbres dépérissants ». Ces abattages doivent demeurer exceptionnels puisque « les conclusions s’orientent souvent vers des travaux de sécurisation visant à supprimer une branche ou placer l’arbre dans un cycle de surveillance étroite pour suivre son évolution », selon l’Eurométropole toujours.

Il est évident que la sécurité des habitants est une priorité partagée de tous. Pourtant, certains abattages laissent parfois interrogateur, n’auraient-ils pas pu être évités ? Il ne faudrait pas tomber dans un « Syndrome Pourtales ». Rappelons pour mémoire que le 6 juillet 2001, à la suite d’un violent orage, un platane s’était abattu sur la foule assistant à un concert au parc du Château de Pourtales, faisant treize victimes, et en blessant quelques quatre-vingt cinq autres. 

Les motifs avancés sont donc légitimes, toutefois les abattages semblent parfois -trop- fréquents et systématiques sur une zone, et les raisons qui les justifient ne sont pas connues des « profanes ». Dans un contexte environnemental tendu, l’incompréhension et l’énervement sont compréhensibles, ce même quand un arbre doit être replanté. Ces abattages appauvrissent en effet l’environnement puisque les arbres plus jeunes n’atteindront les hauteurs des précédents qu’après de longues années ou décennies. 

S’ajoutent à cela d’autres effets néfastes non directement visibles. En effet, force est de constater que -quelles qu’en soient les raisons- les vieux, voire très vieux arbres se font rares, et ces derniers sont porteurs d’une biodiversité plus riche, or ces abattages ne les épargnent pas toujours. Pourtant ce devrait être une priorité absolue dès que possible, dès lors que les scientifiques s’accordent à dire qu’un arbre ancien est plus riche en biodiversité qu’un arbre jeune, en abritant des formes plus variées d’espèces. Quant aux platanes plus spécifiquement, et on le sait, en grandissant et vieillissant développent notamment des cavités, très appréciées des chiroptères (chauve-souris) d’où l’importance de les conserver. On peut d’ailleurs se remémorer les abattages réalisés en janvier 2013, pour les travaux d’extension du Palais de la Musique et des Congrès de Strasbourg qui avaient eus de lourdes conséquences. En effet, les platanes centenaires abattus abritaient une très importante colonie de noctules communes. Ce sont pourtant encore plusieurs d’entre eux qui ont été abattus, aux alentours du bâtiment éponyme « le platane » bien connus des étudiants sur le campus de l’Esplanade. 

Cela renvoie finalement encore et toujours à une même question : quelle est la place que nous sommes prêts à faire à la nature en ville ? Pour concilier nécessité et respect de l’environnement, il pourrait être intéressant d’afficher au pieds des arbres destinés à l’abattage, qui ont été contrôlés par la ville, les résultats dudit contrôle. Chacun pourrait ainsi, suivre en temps réel l’état de santé de « son arbre », les contraintes qui pèsent sur lui, et au besoin, se mobiliser pour organiser sa préservation et celle des autres.

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