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Session apaisée au Conseil de l’Europe, mais des tensions demeurent , en Géorgie, en Moldavie et autres..

Par Antoine Spohr au Conseil de l’Europe- CoE ( Strasbourg)

L’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), a déroulé une première partie de sa session annuelle sans accrocs majeurs bien que le contentieux avec la Fédération de Russie qui a perturbé les sessions précédentes ne soit pas totalement « réglé ».

Le sera-t-il un jour ? Pour l’heure, la délégation russe est de retour et s’active.Deux chefs d’Etat invités, ont montré sans forcer le trait dans leur discours et dans le débat ouvert aux parlementaires, que des tensions persistent trois décennies après l’éclatement de l’empire soviétique qui leur a valu l’indépendance. Après l’embrasement d’une restructuration des Etats libérés souvent chaotique, des scories scintillent encore et menacent la paix, du moins localement.

 

Un programme somme toute traditionnel .

 Sous la férule de son nouveau président, Rick Daems, sénateur belge, flamand de 60 ans ( photo) seul candidat (élu à l’unanimité sans vote), les parlementaires ont approuvé l’ordre du jour de cette session qui comportait de nombreux points intéressants, récurrents tant ils sont inhérents à la mission du Conseil, créé il y a 70 ans à Strasbourg, Institution concernant 830 millions d’Européens de 47 pays….

Monsieur  RIK  DAEMS (photo CoE)

Le nouveau président sans doute affable comme un Belge, succède à la suissesse Liliane Pasquier-Maury ,moins encline à la familiarité, qui a été pourtant « encensée »pour sa sérénité dans la gestion de la crise. C‘était nécessaire.

Le nouveau président qui se dit « président à temps plein »proclame que «  A une Europe parfaite, il préfère une Europe meilleure parce que parfaite, çà n’existe pas » .Il s’agit donc de rechercher l’amélioration permanente poursuivie non plus dans le dialogue interne mais dans un « trilogue entre la Secrétaire Générale, le Comité des Ministres ( 47) et bien entendu l’Assemblée Parlementaire ( 324) ».Rien de plus évident : la première est la patronne à demeure, les ministres ou ambassadeurs ( un par état) sont l’exécutif en quelque sorte et les parlementaires débattent et légifèrent par des résolutions . «  A deux c’est bien, à trois c’est mieux » ajoute-t-il.

Cette session pas eu à traiter des sujets exceptionnellement épineux sans se départir de sa mission , en y ajoutant le lien entre les Droits de l’Homme et l’Environnement Mais elle a tout de même accueilli deux chefs d’Etat (Géorgie et Moldavie).

 

 

Mme Salome Zourabichvili, présidente de Géorgie :

Un destin de femme politique très original, exceptionnel.

Mme Salomé ZOURABICHVILI (Photo CoE)

 « J’ai abandonné le passeport français, cela a été dur. Mais en aucun cas, je ne renie mon attachement à la France » avait dit cette femme née en France en 1952 de parents géorgiens réfugiés à Paris dès 1921 pour fuir les Bolcheviks. Elle y était contrainte pour devenir Présidente du pays de ses ancêtres avec lequel elle a gardé des attaches non seulement affectives. Elle publie en 2006 chez Grasset un livre intitulé «  Une femme pour deux pays » C’est clair !

Après de brillantes études ( Sciences-po Paris, Université Columbia à New-York…) elle est devenue diplomate et professeur : Jacques Chirac l’a nommée ambassadrice de France en Géorgie dont elle deviendra présidente .Une loi ad hoc votée au parlement géorgien lui  a permis  de conserver sa nationalité française tout en devenant ministre des affaires étrangères de Géorgie dès 2004. Etrange, non ? Mais les deux gouvernements se sont entendus. Osera-t-on imaginer la réciprocité, i.e l’inverse ?

La voici donc à présent à la tête d’un Etat, certes petit ( 70 000 km2 et un peu plus de 4 millions d’habitants) à l’extrême Est de la mer Noire, presque en Asie et dont elle vient parler aux ressortissants de 47 Etats européens, légitimement car non seulement son pays est membre du COE depuis 21 ans, mais il est de plus pour six mois à la tête du comité des ministres .

Alors , sur le fond de son discours, on ne sera pas étonné de son adhésion à toutes les valeurs qui fondent le Conseil de l’Europe. Sans restriction aucune et même en exigeant que toutes les règles soient respectées par tous, petits ou grands, anciens ou nouveaux…. Hm! Elle remercie l’Institution qui a aidé la Géorgie sur le chemin «  de la transformation de notre société, de la libération de l’individu, la démocratisation et la consolidation du système politique, la construction d’un Etat moderne fondé sur la prééminence du droit… » Puissent certains de ses collègues récalcitrants l’entendre !

La réunification du pays avec le retour des régions dissidentes sous protection russe  (l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud) n’a pas été occultée mais la situation politique particulière induite par la présidence du comité des ministres obère tout de même un peu  une parole totalement libre.Toutefois elle rappelle-que : « notre pays a réussi à se frayer un chemin vers l’Union Européenne et l’OTAN » Même pas peur la Dame Présidente ! Après le Brexit à l’Ouest, cette fine diplomate, ne rêverait-elle pas d’un glissement de l’ UE vers l’Est comme peut-être son collègue oriental président de la Moldavie, Igor Dodon qui déclare…….

 

« La Maison Commune reste un projet qui inspire et mobilise »

Igor Dodon (photo CoE)

Certes, dès 1984 Gorbachev a bien déclaré à Londres « l’Europe est notre maison commune » et il a repris la formule dans une allocution prononcée à la télévision française à l’automne 1985. Elle a été reprise par le pape François qui, dans une encyclique, a étendu la maison commune à toute la planète. On n’y verra donc pas malice dans la bouche de Igor Dodon, président de la Moldavie qui a succédé à sa collègue de Géorgie.Pet;t pays encore de 34 OOO km2 et  de 3?4 millions d’habitants;

On retrouve dans son discours les propos de la veille en les adaptant à peine : « nous devons agir ensemble pour les valeurs que nous partageons et pour la stabilité fondée sur la coopération, les droits de l’Homme et l’ Etat de Droit… » et plus loin il ajoute «  L’adhésion au Conseil de l’Europe il y a 25 ans a été une étape importante dans la cause de la démocratie…Cela a été ressenti à travers toute une série de transformations importantes comme la réforme du cadre normatif constitutionnel à la création d’institutions et à la formation d’une nouvelle mentalité » Ces derniers mots pour suggérer d’où l’on part.

 

Ceux qui douteraient encore de l’utilité du Conseil de l’Europe, devraient entendre toutes ces personnalités politiques des pays jadis inclus dans l’URSS, donc des républiques soviétiques, devenues indépendantes après l’effondrement en 1991 et qui ont cherché leur voie et qui la cherchent encore. La démocratie et encore moins les Droits de l’Homme ne se pratiquent pas par des déclarations solennelles…..

Les difficultés ne manquent pas dans ces pays pour satisfaire les ambitions d’occidentalisation, à leur manière.Le Conseil de l’Europe les soutient. L’Union Européenne les boude un peu.

 

Antoine Spohr

 

 

 

 

 

 

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