C’est au Mikado qu’elle régnait, la mémée de Philippe Loubry qui en fait le coeur d’un livre totalement insolite et irrésistible.
Se tremper dans l’ambiance, dans le climat….
« Costume clair et chemis’ blanch’
Dans le sous-sol du » Mikado «
J’en ai passé des beaux dimanches
Des bell’s venaient en avalanch’
Et vous offraient comm’un cadeau
Rondeur du sein et de la hanche…
Pour qu’on leur fasse danser l’ tango!…
Ces môm’s-là faut pas vous tromper
C’était d’ la bell’ petit’ poupée
Mais pas des fill’s ni des mondaines
Et dam’ quand on a travaillé
Six jours entiers, on peut s’ payer
D’un coeur léger… un’ fin d’ semaine…… ».
(extrait de la chanson de Léo Ferré sur des paroles de Caussimon)
Et plus loinMMoi je suis du temps du tango
Où même les durs étaient dingos
De « » « Faudrait pouvoir faire marche arrière…
Comme on l’fait pour danser l’tango !
Quand les souvenirs vous courent après, on ne court jamais assez vite. Ils vous dépassent, abondent, débordent et vous projettent ailleurs, plus loin, par vagues ou sillons incontrôlables.
C’est ce qu’on ressent à la lecture du livre de Philippe Loubry, enfant de la Butte, autodidacte, rebelle , revêhe parfois, avide de lecture, rétif à toute contrainte, réfléchi et rêveur avec une bonne foi innocente. Gamin libre, très libre, même quand il est accueilli par sa grand’mère Mme Elise, la gérante du « Mikado », une maitresse-femme au caractère bien trempé sans vergogne, sans fard en dépit des soins de beauté qu’elle se prodigue et de sa mise soignée. Coquette avec bon goût, belle, généreuse, elle est connue et respectée dans le quartier qui ne manque pourtant pas de personnages célèbres. Le petit Philippe que sa grand-mère appelle Loubry, c’est son nom d’état civil, en croise dans ses flâneries et ne s’en émeut pas outre mesure. Auteur aujourd’hui, il en parle avec une distance et une hauteur peut-être un peu feintes. Sa vie est ailleurs à présent. Il a quitté son nid parisien à la disparition de « mémée ». Plus rien à y faire. « Affaire classée » comme se plaisait à conclure l’attachante aïeule ? Non elle l’accompagnera à vie….
photo glanée sur Wiki
Un livre spontané de construction très personnelle
D’abord le style y est variable sans doute selon la teneur du propos.
En parigot -il ne reste que quelques spécimens locuteurs épars-, langue verte, argot , pour le quotidien et les rapports simples parfois frustes ou alors, en académicien soigneux quand les choses se compliquent ,quand il parle en historien, en sociologue, de politique….Ou en vengeur du sort fait à la Commune en refusant à tout jamais d’entrer dans le monument expiatoire du Sacré-Cœur qui lui saute aux yeux tous les jours….
Oui un conteur vif , lapidaire, cruel ou gentiment attendrissant, souvent complexe comme la construction de son livre.
Aéré en segments tour à tour chronologiques ou thématiques, au gré des souvenirs accumulés, ponctués de lignes de dialogues savoureux. On pourrait s’y perdre, s’égarer mais la figure centrale assure un lien constant. On peut presque parler de « Loubrysme » si tant est qu’il faille classer toutes les œuvres car c’en est une. Lequel Loubry n’hésite pas à livrer en vrac quelques réflexions personnelles annoncées comme telles.
L’auteur à Strasbourg.
Il prend là un risque car verba volant , scripta manent (les paroles s’envolent , les écrits restent) car il parle d’une trilogie…Sans en rester au contenu, le format, la mise en page,les ruptures et retours rendent la lecture facile et agréable.
Les aphorismes de mémée en conclusion.
Après les maximes des Caractères de Labruyère , les aphorismes paradoxaux sous la plume de Mme Elise.? Ils ont été soigneusement répertoriés, classés sans doute et transcrits à partir de propos oraux retenus par Philippe, l’auteur atypique pour le moment….
Un régal : réjouissant, révoltant, hilarant, évident, inquiétant aussi…. Des sujets de dissertation à volonté …Rappelez vous ce sujet de bac : « cette histoire est vraie puisque je l’ai inventée »( Boris Vian , un autre parigot.)
Antoine Spohr
NB le livre est disponible : contacter: laclaqueetlebobon@gmail.com
Excellent article aussi sur eurojournalist’eu par Kaï Littmann
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