De l’avenir de l’humanité au stylo « bic » tandis que l’Amazonie brûle

Le Président français, Emmanuel Macron a déclaré vouloir prendre des engagements en faveur de l’Amazonie lors du dernier sommet du G7, suivi par la communauté internationale, réunissant entre le 24 et le 26 août 2019 quelques-unes des plus grandes puissances mondiales – elles sont 7 mais il en est d’autres – à Biarritz.

Rappelons que depuis le début de l’année, le feu fait rage dans « le poumon de la Terre ». Ce sont plus de 83 329 feux qui ont été recensés depuis janvier, soit le plus fort nombre observé depuis 2010. Ce n’est pas là un phénomène nouveau, puisqu’il fait partie intégrante de la culture pastorale amazonienne mais c’est leur intensité et l’absence de contrôle qui inquiète aujourd’hui plus qu’hier, surtout dans le contexte actuel de réchauffement climatique.

Cette recrudescence est d’autant plus inquiétante qu’elle est intervenue rapidement, coïncidant avec l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, précédemment capitaine dans l’armée brésilienne.

Source : concourscarto

Du climato-scepticisme à la crise amazonienne

Jair Bolsonaro en campagne, et ensuite comme président élu, ne cache pas son climato-scepticisme assumé. Des résultats encourageants avaient pourtant été constatés après les accords de Paris de 2015. Ainsi, le Brésil avait alors ralenti sa « conquête amazonienne », permettant une réduction importante des incendies volontaires.

Bolsonaro élu avec quelques 75% des voix n’y prête plus désormais la moindre attention. Il s’est engagé avec Paulo Guedes, formé partiellement aux Etats-Unis par l’école de Chicago, éminemment libérale, à lutter contre la dette brésilienne au moyen de nombreuses réformes. Cette nouvelle politique doit permettre au Brésil d’accroître son importance dans l’économie mondiale et de renflouer les caisses de l’Etat endetté de quelques 1000 milliards d’Euros.

Intensification de l’agriculture et de l’élevage bovin

Pour se faire, une des priorités que s’est fixé le gouvernement constitue un reniement des engagements en faveur de l’environnement pris à Paris par son prédécesseur. Ainsi, le Brésil doit pouvoir renforcer sa production de bovin, ses plantations de soja et de canne à sucre, le tout, devenant plus facilement exportable vers l’Europe, dans le cadre d’une espérée – par le Brésil – entrée en vigueur, de l’accord de libre-échange UE-Mercosur.

C’est là tout le problème pour le Brésil. Si, sous la pression de la communauté internationale, le gouvernement a déployé quelques 3900 hommes, 18 avions et des centaines de véhicules pour lutter contre les incendies – selon les données du ministère de la défense – sous contrôle, le mal continue pourtant de se propager. En effet, de nouveaux départs de feu ne cessent d’être relevés ; pas moins de 1044 nouveaux départs rien que le 29 août.

De la souveraineté au boycott

Emmanuel Macron n’est pas resté insensible face au sort de l’Amazonie et a constaté « les mensonges » du Président Bolsonaro quant aux engagements pris en faveur de l’environnement attachés à l’accord de libre-échange entre l’Union Européenne et le Mercosur. « Les décisions et propos du Brésil ces dernières semaines montrent bien que le président Bolsonaro a décidé de ne pas respecter ses engagements climatiques ni de s’engager en matière de biodiversité […] Dans ces conditions, la France s’oppose à l’accord Mercosur en l’état. »  déclare l’Élysée.

Le G7 avait offert le 26 août une aide exceptionnelle de 20 millions de dollars pour aider le Brésil – dépassé – à lutter contre les flammes rongeant la forêt amazonienne. M. Bolsonaro avait dans un premier temps refusé cette aide estimant n’avoir pas de leçons à recevoir dans le domaine des incendies de la part de pays comme la France qui ne parvenait pas à éviter l’incendie de Notre Dame de Paris quelques mois plus tôt.

Le Brésil a finalement décidé de l’accepter, non pas sans dénoncer l’impérialisme français, accusant Emmanuel Macron de « relativiser la souveraineté [brésilienne] sur l’Amazonie » (cf la carte ci-dessus montrant que la France et d’autres sont concernés et insistant bien sur le fait que cette aide une fois entrée au Brésil n’irait pas à l’encontre de la souveraineté brésilienne et qu’il garderait la gestion des fonds).

Le climat est depuis tendu entre le Brésil et la France, se cristallisant autour du dernier évènement en date : le « boycott » suggéré de la marque de stylo française « bic » par M. Bolsonaro. Difficile de ne pas penser à Jacques Chirac qui déclarait en 2002, répondant au groupe « Midnight Oil », « notre maison brûle et nous regardons ailleurs ».

Corresponsables ?

Assurément la France n’est pas « innocente ». A Biarritz le Président E. Macron a fait d’ailleurs l’aveu de la « complicité objective et indirecte » française au cours de l’une de ses allocutions télévisées, surenchérissant à la question d’Anne-Sophie Lapix lui parlant de « responsabilité collatérale » de la France au niveau international dans la déforestation. Elle évoquait notamment notre niveau très important d’importation de Soja et dénonçait notre dépendance vis-à-vis de ces cultures dans notre modèle agricole. Le Président se veut toutefois optimiste déclarant vouloir s’engager dans une réflexion sur ce modèle agricole français afin de réduire cette dépendance. A voir désormais ce qu’il adviendra des promesses.

Amaury Grosrenaud

Catégories :Non classé

Tagué:, , , , ,

Laisser un commentaire