Par Han-Ul Chang
Mardi, 16 juillet 2019, peu après 19h, les jeux sont faits et désormais l’Allemande Ursula Von der Leyen est présidente de la Commission européenne. Elle succède au Luxembourgeois Jean-Claude Juncker et va avoir la lourde tâche, à la tête de l’exécutif européen, de remettre l’Europe à sa juste place sur la carte du monde.
« Nominée » et parfois durement contestée, elle est cependant confirmée par le Parlement.
Nous nous rappellerons ce début de mois de juillet caniculaire qui fut tout aussi chaud, à Bruxelles dans le débat pour la nomination aux « Tops jobs » ( les postes les plus élevés) lors du Conseil européen. Des négociations qui ont eu le don d’agacer le Président de la République Française Emmanuel Macron qui déclara devant la presse : « Je pense que c’est une très mauvaise image que nous donnons à la fois du Conseil et de l’Europe. » regrettant de trop longues discussions pour un résultat infructueux, avant de qualifier « d’échec » le report de la nomination des « Tops jobs » au lendemain, tout cela pour des divisions politiques et géographiques, prévisibles. Les mots furent durs et l’ ambiance agitée !
Surtout qu’on voyait déjà la nomination par le Conseil (Chefs d’Etat ou de gouvernement) d’un des traditionnels « Spitzenkandidaten » dont le favori désigné était l’allemand, le « chouchou » de Mutti Merkel, Manfred Weber du Parti Populaire Européen ( PPE, parti comptant le plus grand nombre de députés au Parlement). Mais il s’agissait d’un candidat dont ne voulait pas Emmanuel Macron. De même, la chancelière allemande Angela Merkel ne voulait pas plus de son côté du français Michel Barnier, l’homme qui murmurait aux oreilles des britanniques.
Le choix se porta alors sur Ursula Von der Leyen , Ministre de la défense de la République fédérale d’Allemagne et ce, malgré les critiques véhémentes sur sa politique outre-Rhin, notamment pour sa politique de réarmement de l’Allemagne et sur sa position sur la Syrie.
9 voix de plus que la majorité requise
Toutefois, il ne suffisait pas à Frau Von der Leyen d’être nominée par le Conseil Européen pour être cheffe de l’exécutif européen, il fallait encore gagner le vote du Parlement européen donc obtenir son approbation pour être définitivement à la tête de la Commission. Verdict ? Von der Leyen : 383 votes favorables, il en fallait de 374 (majorité absolue) pour être confirmée. Ainsi, l’Allemande devient la première femme à être à la tête de l’exécutif européen, lors d’une élection qui a suscité peu d’enthousiasme. A titre de comparaison, son prédécesseur Jean-Claude Junker avait obtenu 422 voix « pour » mais dans un autre climat.
Cela ressemble plus à un mariage de raison que de passion ! C’est peut-être bien ainsi.
Avec cette élection, c’est un vent de fraicheur qu’on pourrait qualifier de bienvenu, pour un poste qui en manquait. Cependant, qu’en est-il de la compétence ? Elle a été Ministre de la défense, mais également Ministre du Travail et des affaires sociales et Ministre de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse. Elle est aussi docteur en médecine, ce qui a été rappelée par le Parlement qui demandait par ailleurs un net progrès dans le domaine médical en Europe. Alors ?
Quel(s) cheval(aux) de bataille pour Von der Leyen ?
Mme Von der Leyen a confirmé en amont qu’elle écarterait le très critiqué Martin Selmayr de son poste de secrétaire général de la Commission. Une décision qui va mettre fin au « Selmayrgate » qui gangrénait les institutions européennes de l’UE depuis plus d’un an (voir sur eurolatio l’article Make the European Union great again).
Lors de son discours devant les députés européens fraichement élus, pour étayer sa candidature, Ursula Von der Leyen avait présenté ses priorités.
Bien évidemment, la question écologique et environnementale fut abordée. Sur ce sujet, elle souhaite la réduction des émissions des particules fines de 50 à 55% d’ici 2030. Elle propose également un Green Deal pour l’Europe ainsi qu’une législation européenne sur le climat. Des propositions qui, selon Philippe Lamberts, Coprésident du groupe Les Verts au Parlement européen, manquent d’ambition. On comprend donc que les Verts n’aient globalement pas voté pour elle.
Sur le plan social, la nouvelle cheffe de l’exécutif européen a abordé brièvement la question d’un revenu universel européen en précisant que cette idée serait à nouveau débattue. Elle souhaite également davantage d’égalité entre les hommes et les femmes au sein des institutions et globalement sur le territoire européen. A ce titre, elle est également favorable à une adhésion de l’Union à la Convention d’Istanbul (Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et des violences domestiques).
Des projets qui pour l’heure manquent encore d’ambition et de clarté pour une Union Européenne à un tournant de son histoire. Certains espèrent que, élue à présent, elle fera preuve de davantage de clarté au cours des prochains mois.
Des « Tops Jobs » pour un « flop géographique » ?
Outre la nomination d’Ursula Von der Leyen à la Commission, le Conseil Européen a procédé à d’autres nominations : la Française Christine Lagarde et actuelle directrice du Fond Monétaire International est pressentie pour diriger la Banque de Francfort (BCE) et l’Espagnol et membre du gouvernement de Sanchez, Josep Barell devrait s’occuper de la diplomatie européenne (il ne manque plus que l’approbation de Von der Leyen). Enfin, le premier ministre Belge Charles Michel élu par le Conseil sera investi le 1er décembre à la présidence du Conseil Européen en remplacement du Polonais Donald Tusk.
Les députés européens ont élu l’Italien du S&D (socio-démocrate) David Sassoli à la présidence du Parlement européen pour 2 ans et demi (renouvelable). Il remplace un autre italien, Antonio Tajani (PPE).
S’il fallait faire un premier bilan, on peut déjà parler d’une certaine hétérogénéité politique, au détriment d’une hétérogénéité géographique plus problématique. En effet, où sont représentés les « pays périphériques » parmi ces « top jobs » ? Car avec le départ de Donald Tusk, il n’y aura plus aucun représentant d’Europe de l’Est parmi les têtes d’affiche des institutions européennes, hors mis au Conseil de l’Europe, 47 Etats. ( ne pas confondre avec le Conseil Européen).
Pour 28 Etats membres il n’y a guère que ces quelques « hautes places ».
On peut comprendre une certaine déception par rapport à la volonté d’une Union plus « unie » et plus intégrée. Restent les commissions !
Le risque serait de créer un fossé (déjà important) entre l’Europe de l’Ouest et l’Europe de l’Est, mais aussi un désintérêt indirect envers les pays de l’Est européen, qui pourraient continuer à ne plus croire à l’Union européenne qui les a pourtant souvent largement servis . Certains le déplorent, d’autres n’attendent que des clarifications et des ajustements.
Toutefois, il est encore trop tôt pour dire comment tout cela va fonctionner. Mais une chose est sûre : le changement c’est maintenant ou jamais!
Han-Ul CHANG
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