par Klaus Schumann
Klaus Schumann, ancien directeur général des affaires politiques, nous permet de publier sa réaction….au fait, avec l’autorité qui lui revient, les avis divergeant sur l’opportunité du retour russe, parfois au bord du mini-conflit entre europhiles affirmés (AS)
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« Sans vouloir entrer dans le vif du sujet « la démocratie et les droits de l’homme sacrifiés sur l’autel de la Realpolitik » provoqué par le retour discret mais efficace (pour l’élection de la nouvelle SG et certains juges à la Cour) de la délégation parl.russe à l’Assemblée du Conseil, je souhaite m’arrêter brièvement sur la problématique « la mission du CDE à la merci du chantage politico-budgétaire? ».
Quand la Russie n’a plus versé sa contribution au budget du Conseil c’était « la panique à bord »: un pays « grand contributeur » prive l’Organisation d’une masse budgétaire, avec la réaction classique des autres contributeurs: il faut faire des économies en supprimant des programmes et du personnel! Mais quelle était cette histoire des « grands contributeurs »? En principe les contributions nationales sont calculées en fonction de la population et du PIB de chaque Etat membre.
Mais dans le passé il y avait quatre Etats (Allemagne, France, Italie, R-U) qui se sont eux-mêmes déclarés « grands contributeurs » en couvrant autour de 60% du budget et chacun contribuait selon le même taux
Telle était la situation à l’ouverture de l’Organisation aux pays de l’Europe centrale et orientale (à partir de 1990 avec l’entrée de la Hongrie). Au moment de l’entrée de la Féd.de Russie (en 1996) la question d’un éventuel nouveau « grand contributeur » n’a pas été soulevée. La « modeste » contribution de la Russie s’est calculée sur base de la formule classique « population/PIB ». Ce n’était que quelques années plus tard que la Russie a décidé « souverainement » de rejoindre le groupe des « grands contributeurs ».
Un geste, une décision politique, certes, comme soutien à la mission du Conseil ou comme renforcement du « poids politique » du pays?
Par ailleurs ce n’était pas le « grand bond en avant » budgétaire du Conseil. La part des « grands contributeurs » n’était plus à diviser par quatre, mais par cinq. C’était tout bénéfice « national », mais pas un progrès « multilatéral ». De toute façon la formule de la « croissance zéro » annuelle avait déjà fait son chemin.
La tentation d’abus de pouvoir par des grands contributeurs a été malheureusement confirmée par la Turquie qui est également passée « grand contributeur » en 2016 (environ 33 millions d’euros à la place de 14 millions).
La critique de l’Assemblée parlementaire relative aux réactions des autorités turques à la tentative de « putsch’ en été 2016 a amené la Turquie de revenir à « contributeur ordinaire » l’année suivante.
Quelle est la conclusion ? Certainement pas de condamner le CDE en tant que tel. « LE Conseil de l’Europe » n’est qu’un instrument, outil (utile) de coopération intergouvernementale pour 47 Etats souverains qui exercent leurs pouvoirs souverains même en outrepassant des principes et valeurs auxquels ils ont souscrit en commun comme leur « patrimoine démocratique ». Il ne faut pas incriminer l’outil mais ses maîtres, nos propres gouvernements.
La « Realpolitik » plaide en faveur de l' »instrument » comme cadre indispensable pour le maintien du dialogue (entre gouvernements, parlements, autorités térritoriales et société civile) et pour le maintien de la protection de la Cour eur.des droits de l’homme pour les citoyens de chaque « encore » Etat membre. Mais l’engagement pris par les Etats membres traditionnels de promouvoir la mission du CDE en tant que garant de la « sécurité démocratique » du continent impose également le devoir de lui mettre à disposition les moyens pour exercer sa tâche avec efficacité. Un « trou budgétaire » à cause d’un chantage politique ne devrait pas exister. Le manque, dans le cas de la Russie, d’une trentaine de millions d’euros devrait facilement se partager entre, en premier lieu, les grands contributeurs traditionnels. Mais pourquoi pas y associer les autres, avec des augmentations symboliques, mais solidaires, de leurs contributions budgétaires ? Une Organisation, dont l’ensemble de l’Europe a plus besoin que jamais, vaut bien une « assurance » pour la continuité de son action!
Klaus Schumann »
Ancien directeur général des Affaires politiques au Conseil de l’Europe
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