Conseil de l'Europe

ANNE NEGRE: l’égalité politique ne se passe pas de l’égalité économique

 

par Elisabeth Vetter

Combattante du Droit des femmes, Anne Nègre, milite pour l’égalité économique comme préalable.

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Avocate au barreau de Versailles, grande défenseure des droits de femmes et présidente d’University of Women, elle était modératrice de l’un des laboratoire du programme IN du forum Mondial de la Démocratie –  Une plus grande égalité entre les femmes et les hommes dans le secteur économique mènera-t-elle à une plus grande égalité politique ? -. Anne Nègre est de ces femmes qui veulent que les lignes bougent. En 2015, elle présentait des réclamations collectives contre 15 pays membres du Conseil de l’Europe au sujet de l’égalité salariale entre femmes et hommes et la sous-représentation des femmes dans les postes de décisions. « Une opportunité exceptionnelle » pour celle qui ne cesse depuis de batailler pour que la voix de toutes soit entendue.

ITW

– Eurolatio (Eu) : Vous militez fermement pour le respect du droit des femmes en tant que présidente d’University of Women et avocate. Quel est votre parcours ?

 – Anne Nègre (A.N) : Docteure en droit et avocate spécialisée en droit du travail au barreau de Versailles ,j’ai été formée dans un cabinet d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de Cassation. Je suis également ancienne présidente et administratrice à vie de l’association Française des Femmes Diplômées des Universités – AFFDU ndlr – reconnue d’utilité publique[1] .

– Eu : Pouvez-vous nous en dire plus sur le Groupe Européen des femmes diplômées des Universités – GEFDU, UWE -, dont vous faites partie ? 

 – AN : En 1981, les associations européennes ont créé le Groupe Européen des femmes diplômées des Universités pour travailler de concert avec le Conseil de l’Europe. Le GEFDU a participé à la création du Lobby Européen des Femmes, dont il est toujours membre aujourd’hui. Accrédité auprès du Conseil de l’Europe, j’ai pris la mesure de le faire habiliter à déposer des réclamations collectives fin 2015 .

  – Eu : Le GEFDU/UWE a ainsi présenté quinze réclamations collectives ? 

– AN :  Oui. Il s’agissait des réclamations collectives contre les 15 pays ayant ratifié le protocole de 1996 du Conseil de l’Europe en cas de violation supposée de la Charte Sociale Européenne : Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Finlande, France, Grèce,  Irlande, Italie, Pays-Bas, Portugal, République Tchèque, Slovénie, Suède et Norvège ..

– Eu : Sur quoi portait-elle ?  

– AN :L’Égalité de rémunération entre femmes et hommes pour un salaire égal, semblable ou comparable, ainsi que la sous-représentation des femmes dans les postes de décisions des entreprises privées, board, comités de direction .

– Eu : Comment s’est déroulée la phase préparatoire qui précédé la remise de ces réclamations ?

 – AN  C’était un travail dantesque. Il ne s’agissait pas de présenter la réclamation pour un seul pays, mais de la présenter pour chacun d’entre eux et de plus faciliter le travail du rapporteur. J’ai d’abord proposé le projet au board de UEW, qui l’a approuvé à l’unanimité, puis de même à l’assemblée générale. C’était une opportunité exceptionnelle .

Eu : Et ensuite ?

– AN : Il a fallu y passer du temps ! Je me suis rendue aux archives du mouvement à Amsterdam, et je me suis renseignée pour chacun de ces pays, en vérifiant nombre d’informations à la source, grâce à l’aide de diverses associations. Cela a occupé tout mon temps libre pendant 4 ou 5 mois. c’est plus compliqué lorsque c’est quelque-chose que vous n’avez jamais fait. J’ai ainsi pu lancer les réclamations collectives auprès du Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) contre les 15 pays cités .

 – EU : Quelle a été la réaction des États ?

– AN : Mon attitude n’a guère été appréciée, par la majorité des pays au vu de leurs mémoires en réponse, je cite ceux de la Grèce ou la Finlande par exemple. Rendez-vous compte, c’est la première fois que quinze réclamations collectives étaient déposées en même temps sur les mêmes griefs, et que ces griefs n’avaient jamais été soumis au CEDS. Depuis, l’Union Européenne est intervenue par la voix de sa commission, et ce n’est que la deuxième fois depuis 1996. Avec l’appui du réseau EQUINET, défenseur des droits, nous avons également reçu un soutien de taille d’autant que c’est la première fois que ce Réseau intervient au soutien de réclamations collectives. La Confédération Européenne des Syndicats nous soutient aussi. Autant de soutiens et de ce niveau montrent que ce sujet est crucial.

– Eu : Aujourd’hui, qu’espérez-vous comme retour des États ?

– AN : Ces procédures sont très disputées. 12 États sur 15 ont contesté la recevabilité, mais elle a été admise le 4 juillet 2017 par 15 décisions du CEDS. J’attends les résultats, même si aucune date n’est fixée par le secrétariat de la Charte Sociale. Les dossiers ont certainement été étudiés, les rapports déposés. Nous attendons les décisions qui seront historiques, dans un sens, si on gagne. Mais si on perd, quelle sera alors la valeur de la Charte Sociale et de son Comité qui revendique de dire le droit, s’il ne reconnaît pas la violation du travail égal pour un salaire égal entre les femmes et les hommes ?

[1] AFFDU s’est créée en 1920 pour être la branche française d’une Fédération Internationales des Femmes Diplômées des Universités, IFUW devenue Graduate Women International, 1919. Cet organisme est accrédité auprès des agences de l’ONU.

Propos recueillis par Elisabeth Vetter

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