La Chine et l’Union européenne, un mariage de raison ?
Par Tristan Tottet
( volet 2 de l’ article sur les Nouvelles routes de la soie : https://eurolatio.org/2018/10/19/les-nouvelles-routes-de-la-soie-immense-projet-de-reorganisation-de-la-planete/)
Le projet des Nouvelles Routes de la soie se concrétise à un moment où les États-Unis se tournent plutôt vers le Pacifique que vers l’Atlantique. De son côté, l’Union Européenne (UE) se voit offrir une possibilité de développement vers l’Est.
Quid des normes des uns et des autres ?
Aujourd’hui, 80% du commerce chinois vers l’UE s’effectue par voie maritime.
Cosco: armateur chinois ( plus de 130 porte-containers)
L’acheminement des marchandises par voie ferroviaire présenterait de nombreux avantages notamment la réduction des coûts, tant économiques qu’écologiques. Cependant, si le projet chinois aboutit, il posera un défi majeur à l’Europe pour le maintien de ses valeurs et de ses normes.
CEEC:Central and Eastern European Countries
Quid des normes des uns et des autres ?
Aujourd’hui, 80% du commerce chinois vers l’UE s’effectue par voie maritime. L’acheminement des marchandises par voie ferroviaire présenterait de nombreux avantages notamment la réduction des coûts, tant économiques qu’écologiques. Cependant, si le projet chinois aboutit, il posera un défi majeur à l’Europe pour le maintien de ses valeurs et de ses normes. bien qu’il ne conteste pas le principe du commerce international . Mais il tend à réformer les règles au profit d’une normalisation en sa faveur. L’un des enjeux du projet est la maîtrise des standards, de la classification et des normes.
Avec certains pays « OUI », avec des instances supranationales « NON ».
Avec la réalisation des Nouvelles Routes de la soie, une redistribution dans l’édiction des normes internationales peut être envisagée. Aujourd’hui, cette carte de la mondialisation juridique est majoritairement dominée par les États-Unis et l’Union Européenne.
De cette façon, le gouvernement chinois privilégie les accords multilatéraux associant des pays et non des instances supranationales, ce qui se caractérise au sein de l’Union européenne par un non-accord multilatéral avec les instances européennes.
C’est pourquoi en 2012, le format 16+1 a vu le jour à Varsovie en Pologne, lors de la visite du Premier ministre chinois de l’époque, Wen Jiabao. Ces 16 pays européens ont un besoin important d’infrastructures. Ils sont favorables aux financements chinois car ils y trouvent des opportunités de développement sans être tributaires d’une contrepartie des Institutions européennes.
Ainsi Beijing, par le biais de la Banque d’import-export a signé un mémorandum d’accord en décembre 2014, pour la réhabilitation des 370 km de voies de la ligne à grande vitesse entre la Serbie et la Hongrie.
Des craintes ont été émises par les Institutions européennes quant à un possible affranchissement des règles européennes dans l’attribution des marchés publics.
La Commission européenne a ouvert une enquête afin de déterminer si la réglementation européenne en matière d’appels d’offres a été respectée.
Il est à noter qu’en mai 2017, la Banque d’import-export de Chine avait déjà financé plus de 1 200 projets dans plus de 50 pays participant au projet des Nouvelles Routes de la soie pour un total de plus de 84 milliards d’euros.
Cette politique de rachat en Europe par la Chine se constate au sein même de l’Union européenne. Au plus fort de la crise de la zone euro, cela s’est traduit par exemple par l’acquisition du port grec du Pirée par la société Cosco (China Ocean Shipping Company) en 2016. Cette transaction a rapporté à l’État grec 1,5 milliard d’euros. L’implantation chinoise dans les ports européens constitue la base du volet maritime des Nouvelles Routes de la soie.
Ce renforcement à l’étranger de l’influence chinoise dans le monde, entraîne certains changements. Grâce aux investissements de la Chine, Beijing s’est assuré de l’aide de la Grèce, pour ne pas appuyer les déclarations de l’Union européenne relatives à l’attitude de la Chine face aux problématiques des droits de l’Homme et du droit maritime, face aux tensions en mer de Chine méridionale.
Beijing s’est également liée avec d’autres pays des Balkans occidentaux qui profitent de prêts à faibles intérêts pour des projets d’infrastructure. Cet apport financier chinois a été minimisé par la Commission européenne.
Pour contrer les projets chinois en Méditerranée, le Parlement européen par le rapport Proust pose le cadre d’un contrôle des investissements chinois au sein de l’Union européenne, comme par exemple les grands ports du nord du continent (Hambourg, Rotterdam etc…), qui pourraient perdre à terme un volume important de marchandises.
Il est à garder en mémoire que le principal moteur de l’économie chinoise est l’investissement et non la consommation.
Celui-ci représente 40% du PIB en Chine qui bénéficie de sources de financement quasi illimitées entre ses surplus accumulés, les bénéfices des entreprises et les grandes banques d’État.
Une recomposition géopolitique est essentielle pour l’Union Européenne car les États-Unis semblent se tourner vers l’océan Pacifique. Le rachat de l’industrie de pointe européenne par les investisseurs chinois inquiète cependant Washington qui s’applique depuis quelques années au rétablissement du protectionnisme.
La création de multiples voies de communications peut être un avantage pour le transport en réduisant les coûts d’acheminement des marchandises, mais il n’en demeure pas moins que les Nouvelles Routes de la Soie posent un défi majeur à l’Union européenne.
Comment se positionner au sein de ce monde multipolaire pour conserver son influence à travers un smart power?
La combinaison des deux par l’intelligence?
L’omniprésence de la Chine dans l’Union européenne est croissante. Elle profite d’une faille de la législation européenne sur les investissements étrangers chinois, celle-ci n’étant pas encore unifiée au niveau des 28/27 membres. A ce jour, rien ne permet aux investisseurs de tirer des avantages en termes de mode d’entrée, de fiscalité et de protection. En 2016, le stock d’IDE (investissement direct à l’étranger) chinois en Europe atteint un record de 46 milliards de dollars, soit une croissance de 90%.
Cette volonté d’investissement sur le continent européen s’inscrit dans une stratégie géopolitique qui a été précisée en 2015, avec le Made in China 2025. Ce programme vise à créer des champions chinois de dimension mondiale capables de défier les géants occidentaux.
Les IDE se concentrent sur une multitude de secteurs d’activités, par exemple de l’acquisition de l’aéroport de Toulouse-Blagnac en France, mais aussi le rachat de technologies de pointe allemandes avec l’entreprise de robotique Kuka.
KUKA robotics
Toutefois on peut constater que ces investissements en Europe s’effectuent avec une forte asymétrie entre les pays du Sud et de l’Est tandis qu’aux États-Unis la législation fédérale est devenue plus contraignante en ce qui concerne les fusions-acquisitions d’actifs stratégiques.
La Chine repose ainsi sa politique d’implantation dans les marchés européens au profit de son projet de Nouvelles Routes de la Soie. Les relations entre la Chine et la Serbie un donnent un bon élément de comparaison. Elles reposent justement sur le fait qu’il ne s’agit d’un pays qui n’est pas encore membre de l’Union Européenne et que les normes communautaires n’y sont pas totalement appliquées. En conséquence, des visas facilitant les échanges entre les deux pays ont été accordés.
En l’absence des normes communautaires, la Chine investit aussi dans des projets agricoles dans le sud de la Serbie et de ce fait, tente d’implanter son modèle de normes au sein » d’ États-tiers » de l’Union européenne. Cela génère des différends entre Bruxelles et Belgrade dans le cadre des négociations pour l’adhésion de la Serbie à l’Union européenne. Il en va de même dans les pays des Balkans qui ne font pas partie de l’Union européenne, comme le Monténégro ou la République de Macédoine du Nord où les investissements chinois sont en hausse.
Néanmoins, ce constat peut être nuancé. En 2017, le ministère du Commerce annonce que les IDE en Chine ont progressé de 7,9% par rapport à l’année précédente pour s’élever à 111,6 milliards d’euros, alors que, on constate une chute de 29,4% des IDE chinois dans le reste du monde soit 98,4 milliards d’euros. Calculez!
Aujourd’hui, la Chine est le plus grand marché intérieur du monde, avec une classe moyenne en plein essor, et elle dispose d’importantes réserves de capital. Néanmoins, depuis quelques années l’empire du Milieu est confronté à des problèmes démographiques et environnementaux de grande ampleur qui viennent se greffer sur un contexte juridique instable qui manque de transparence. Tous ces éléments ajoutés, ainsi que la corruption, peuvent poser des questions quant à l’impact sur l’Union Européenne, de la réalisation des Nouvelles Routes de la soie.
Tristan Tottet
Catégories :Non classé