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Après la publication du plan pauvreté: la réalité des chiffres en France et en Allemagne

Par Alain Howiller

Il avait annoncé , il y a près de un an, à l’occasion de la « Journée Mondiale du refus de la misère« , que le gouvernement travaillait sur un  « plan anti- pauvreté ». Il aura fallu des mois, pour que le gouvernement  peaufine une série de mesures où la plupart  des commentateurs n’ont vu avant tout qu’un changement de politique alors que ce plan s’inscrit avant tout , affirment les représentants de la « macronie », dans la cohérence des approches préconisées et appliquées par Emmanuel Macron.

Pour eux, tout porte à croire qu’il ne s’agit pas seulement d’instituer un « Nième plan pauvreté » soutenu par de l’argent public , mais bien de transformer, brique après brique, les fondations puis la structure  de la Maison France  pour essayer de l’inscrire dans la modernité telle « qu’IL » la conçoit mais que si souvent, au delà de discours remarquables ,il défend si mal!

Alors que la plupart des partis veulent gagner des élections et peinent à se définir un  projet, Macron veut  tisser progressivement un patchwork de mesures qui, au bout du quinquennat, exprimera un  dessin (dessein?) qui ne sera plus abstrait mais…. figuratif!

En l’état, en s’efforçant de forger et d’animer un contre-projet de société, il n’y a guère que Jean Luc Mélanchon et sa France Insoumise qui l’ont compris, soulignent les macronistes.

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NDLR :Pour relativiser un peu ,des données planétaires; Allemagne  42 700 $ et France 36 855 $  ne sont pas loin …en bleu

Changer la société?

Changer profondément de société est, sans doute, l’espoir des partisans d’Emmanuel Macron et du Président lui-même qui n’oublie jamais ce qu’il doit à Paul Ricoeur ni à ses convictions chrétiennes-démocrates (!) dont les plus fins observateurs de notre vie politique n’ont pas vu  que  le fil  rouge (ou bleu) qui sous-tend souvent ses propos, est  tiré subtilement de…l’évangile!…La plupart  des commentateurs ont eu  une approche prudente des 21 mesures annoncées dans le plan anti-pauvreté : ils se sont tout  particulièrement interrogés sur la création d’un « revenu universel d’activité » qui ne doit apparemment rien à l’économiste Thomas Piketty ni à Benoît Hamon qui en avait fait une  mesure phare de campagne électorale (….avec  le succès qu’on sait!).

Alors « Nième plan » dans la tradition du « devoir sacré de solidarité » de la nation initié dès la IIIème République ou révolution plus profonde de changement de société? Le proche avenir nous le dira en  nous rappelant  avec l’Observatoire des Inégalités  que la France est déjà , l’un des pays  dont le taux de pauvreté  est l’un des plus bas du monde!

L’ exemple alsacien.

 Ce constat , malgré une légère régression du taux de pauvreté l’année dernière et les 8 milliards qui seraient investis en quatre ans dans le combat contre la misère ne doit ,en aucun cas , occulter voire faire accepter cette triste réalité : la France compte près de 14 % de pauvres (8,8 millions de personnes d’après l’INSEE) dont les ressources  s’inscrivent en dessous de ce qu’on appelle le « revenu médian »(un peu plus de 1.000 euros par mois, ce qui représente 60% du revenu moyen des Français).

L’Observatoire souligne que dans les familles considérées comme pauvres, on trouve un peu plus de 17 % d’enfants de moins de 10 ans et près de 18 %  d’adolescents de 10 à 19 %).Certes le taux de pauvreté après avoir  souvent progressé semble se stabiliser autour de 13 à14 %.

L’exemple alsacien est significatif à cet égard : après avoir doublé en dix ans , il s’est stabilisé à près de 12  % ce qui n’exclut  pas des pointes à 30% à Mulhouse ou à 22 % à Strasbourg!

Face aux chiffres, quelle peut être  l’utilité d’une comparaison avec  l’Allemagne, débat que certains leaders politiques ont voulu installer face à l’opinion comme pour alléger le poids d’une réalité dérangeante? Bien sûr en Allemagne, la pauvreté s’est installée aussi. (BNP-Paris Bas y a consacré une intéressante étude).Elle y  frappe lourdement les personnes âgées: largement plus qu’en France

L’Allemagne pays de Cocagne?

 

Si le chiffre global du taux de pauvreté parfois avancé dans le pays (26% de la population!) paraît largement surévalué et si , comme une récente polémique Outre-Rhin l’a souligné, le taux officiel (13%) semble bien sous-évalué : le taux réel se situe en Allemagne à prés de 16 % alors que d’après l’Institut de statistiques  « Destatis »(INSEE allemande établie à Wiesbaden) si, on intègre le « risque de pauvreté » le taux pourrait grimper à 20 % de la population (16 millions de personnes)! Les personnes relevant du taux actuel auraient un revenu mensuel de l’ordre de 980 euros.

Le taux de pauvreté s’inscrirait ainsi à proximité  du taux moyen de l’Union Européenne (17,3 %) ,certains taux s’élèvent à des niveaux élevés: par exemple au Portugal (19 %), en Italie (20,6 %), en Grèce (21,2 %), en Espagne (22,3 %) ,en Roumanie (25,3 %).

En tout état de cause l’Allemagne ne parait pas être , malgré une situation économique globalement positive , le pays de Cocagne que certains imaginent : les prévisions de croissance viennent d’être ramenées de 2,5 % à 2 % pour 2018 (contre 2,3 % réalisés en 2017) voire entre 1,7 et 1,9 % pour 2019,le taux de paupérisation se creuse : environ 18 % pour les plus de 65 ans et même 20 %  si on remonte à 55 ans.Les disparités entre les Länder de l’Ex-RDA et ceux de la République Fédérale persistent qu’il s’agisse des écarts de salaires , de retraites ou des taux de chômage. Elles sous-tendent les manifestations spectaculaires organisées ces dernières semaines à Dresde , à Chemnitz, à Köthen par  l’extrême droite et les néo-nazis, même si le prétexte immédiat de leur organisation est la « résistance » à l’immigration, une opposition qui -on l’oublie- se manifestait- déjà  dans l’ex-RDA contre les ouvriers venus en particulier de Corée du  Nord au titre de la coopération entre pays « frères » appartenant au bloc communiste.

Conjoncture française et « Plan de pauvreté »

En France le « plan Macron » veut s’attaquer aux racines de la pauvreté :il ne veut pas que ses mesures aident les pauvres à mieux supporter leur misère, il veut les aider à quitter leur condition pour en sortir en « en supprimant  les inégalités qui se perpétuent au lieu de disparaître ». Bien sûr le plan pourrait être plus ambitieux encore pour qui veut « s’attaquer au  nouveau visage de la pauvreté. »

Mais ils sont rares ceux qui pensent qu’en  l’état, on pourrait espérer plus aller au moment où  les signes d’un ralentissement de la conjoncture s’installe. Comme en Allemagne les prévisions du taux de croissance ont été revues à la baisse: alors que après les 2,3% de croissance de l’année dernière l’espoir reposait sur  2% pour 2018, la conjoncture mondiale a poussé la Banque de France à revenir à un taux se situant autour de 1,7 ou 1,6 %! Ce repli aura-t-il des conséquences sur le « plan Macron »? Les pouvoirs publics  comme les associations de lutte contre la pauvreté espèrent que non  avec le secret espoir que les économistes n’aient pas raison dans leurs prévisions.

L’économie politique n’est pas , soulignent-ils, une science exacte surtout lorsqu’il s’agit…. de prévoir l’avenir! D’ici à ce que certains utopistes se rappellent ce propos de l’ancien Premier Ministre britannique Benjamin Disraeli qui affirmait : »Il y a le mensonge ,le sacré mensonge  et la…statistique! » C’était il y a presque deux siècles: on a -Dieu Merci- fait des progrès depuis!

Alain HOWILLER.

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