Site icon Eurolatio

Vote de sanction contre la Hongrie : » une petite vengeance des pro-immigration(s) »

Par Klaus Schumann ,ancien directeur général des affaires politiques du Conseil de l’Europe

Parlement européen, session de rentrée.

La veille d’un débat et d’un vote sur l’existence d’un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs sur lesquelles l’Union européenne est fondée, le Premier ministre Viktor Orban a pris dans l’hémicycle strasbourgeois la défense du « peuple hongrois » et son histoire millénaire . Condamné par l’Europe, Viktor Orban qui est considéré par certains de ses homologues européens comme un « politicien de génie » se présente comme l’héritier d’une tradition culturelle et spirituelle nationale.

Conflit de générations ? même pas.

Mais une telle position tranchée ne correspond guère à celle de la jeune démocratie hongroise, avant-garde de la transition démocratique en Europe centrale et orientale. Après les premières élections libres en juin 1990, la Hongrie était le premier pays à adhérer au Conseil de l’Europe en novembre 1990. En signant le statut, le pays a fait siens les valeurs et principes fondamentaux de l’Organisation de Strasbourg (démocratie pluraliste, respect des droits de l’homme et garantie de l’Etat de droit). Fondamentaux qui sont devenus, dès 1949, l’ADN démocratique de toutes les institutions européennes à venir.

 Václav Havel, József Antall et Lech Wałęsa lors de la création du groupe de Visegrád, en février 1991 (wikipédia) l

S’adressant au Conseil de l’Europe en 1992, le Premier ministre hongrois, Jozsef Antall, présentait sa vue d’une Europe unie :

« Pour ce qui est des dimensions culturelle et spirituelle de l’Europe, il importe de toujours garder à l’esprit que le progrès scientifique et les manifestations culturelles ne sont jamais figés en Europe comme dans d’autres régions du monde. Les grandes inventions et les philosophies d’origine européenne ont presque toujours répondu à un besoin des populations. Cette créativité a été facilitée par l’ouverture de l’Europe au monde extérieur et par son aptitude de s’intégrer et à assimiler les apports de l’extérieur. C’est la principale raison du succès avec lequel la culture européenne a relevé les nouveaux défis de l’Histoire. Quand on étudie l’histoire de l’Europe, on y voit une succession de renaissances.

Il faut saisir le cadre global de la culture européenne d’aujourd’hui, qui n’est pas seulement faite de la philosophie chrétienne occidentale : on doit aussi considérer et apprécier la culture byzantine, volontairement ignorée pendant une bonne partie de l’histoire de l’Europe. D’autres cultures y ont aussi laissé leurs marques, comme la culture islamique, par le biais de la présence turque en Europe au cours des siècles derniers. Il importe de ne jamais étouffer l’expression culturelle et de toujours permettre la liberté d’expression et la liberté de circulation des hommes et des idées. La culture européenne a toujours existé en symbiose avec les cultures asiatique et méditerranéenne…. » ( « Les voix de l’Europe », éditions Conseil de l’Europe 1997, p.214-215).

Le jeune député Viktor Orban faisait partie de la majorité gouvernementale de Jozsef Antall en 1992. Aujourd’hui le « politicien de génie » renie le devoir de respecter les fondamentaux communs européens, mais il ne renonce pas au droit aux fonds européens. L’Europe se trouve face à un cas d’école : l’opportunisme politique chasse de plus en plus les convictions sur la base desquelles le projet européen a été lancé.

Klaus Schumann

Quitter la version mobile