Française

Quel avenir institutionnel pour l’Alsace?

suite par Alain Howiller

                                                    La ministre Jacqueline Gouraud vient sur place pour proposer des solutions.

 

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La ministre J.Gouraud

Chargée par le Premier  Ministre de procéder, sur place, à une ultime consultation sur l’avenir institutionnel de l’Alsace dans le Grand Est, Jacqueline Gouraud, Ministre auprès de Gérard Collomb, Ministre de l’Intérieur, va commencer ses « investigations »: elle passera deux jours en Alsace pour commencer. Elle analysera  les perspectives ouvertes par le rapport rédigé par Jean-Luc Marx, Préfet de la Région Grand Est. Ce dernier a remis ses réflexions sur les différentes possibilités  ouvertes à l’Alsace pour définir le futur statut de la collectivité alsacienne qui devrait émerger dans la région, pour concrétiser ce que le Premier Ministre lui-même  a appelé un « désir d’Alsace » et qu’un certain nombre de personnalités régionales, ont baptisé un « besoin  d’Alsace ».

On sait que selon un sondage IFOP, déjà présenté ici, 83 % des Alsaciens souhaitent que leur région « retrouve » un cadre institutionnel et 74 % d’entre eux aimeraient qu’on procède à une fusion des deux départements alsaciens. Sans compter ceux qui souhaiteraient que l’Alsace quitte le Grand Est ce dont il ne saurait être question d’après le Président de la République et son gouvernement!

Quand pro et anti s’affrontent

Ils ne sont pas rares ceux qui devant la complexité de ce nouveau « problème alsacien » qui souhaitent-sourire en coin- bonne chance à Jacqueline Gouraud devant la complexité des positions défendues sur place: positions, souvent nourries d’arrière-pensées politiciennes liées à des élections (notamment municipales) alors proches, qui avaient déjà conduit à peser sur la participation au référendum du 7 Avril 2013 sur la possible fusion du Haut- et du Bas-Rhin. Approuvée par une majorité de participants, cette fusion n’a pas pu être menée à bien parce que le nombre de participants au vote  était insuffisant. Cette fois, il n ‘est pas question de referendum et la décision du  gouvernement sur le  statut devrait être connue à la mi-octobre!

Pour autant la tâche de Jacqueline Gouraud  ( déjà en charge du dossier corse)ne sera pas facilitée tant les fronts qui avaient abouti à l’échec de 2013 semblent se reconstituer et le Premier Ministre  ne pourra pas trancher aisément à l’issue d’un ultime parcours au cours duquel les Alsaciens ont retrouvé ce qui fut si souvent  leur faiblesse: le manque d’unité et la difficile émergence d’un indispensable consensus.

L’Alsace existe-t-elle institutionnellement?

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La  stèle en l’honneur de Marcel Rudloff

Ancien Président de la Région Alsace, ancien sénateur, membre du Conseil Constitutionnel, ancien Maire de Strasbourg ,Marcel Rudloff avait assez bien souligné cette approche en  écrivant dans ses mémoires: « Nous nous interrogeons sur notre unité et nos diversités…N’oublions pas que contrairement à une idée reçue, l’Alsace n’a jamais existée. L’Alsace a été le pays de la démocratie urbaine et citadine par excellence…L’Alsace ‘est forgée par la base dans une diversité jalouse et parfois tatillonne.Malgré cela nous avons trouvé une unité ferme vers l’extérieur, une solidarité qui s’exerce…. »C ‘est cette solidarité qui s’est  exercée à travers le long débat, mais aussi les affrontements et conflits d’intérêts apparus à l’occasion des revendications sur l’avenir institutionnel de la région.

Pas question de sortir du « Grand Est. »

 Une fois éliminée la revendication sur la sortie de la région alsacienne du Grand Est dont le pouvoir ne veut pas (pourtant  seuls 10 % des sondés de l’IFOP trouvent que l’intégration dans la « grande région » a été une bonne chose et 87 % souhaitent que la future collectivité quitte le Grand Est!), le gouvernement aura sans doute à trancher essentiellement entre deux solutions.

Il y a celle préconisée par ceux qui souhaitent l’émergence d’un département unique né de la fusion du Bas Rhin et du Haut Rhin  avec des  compétences particulières (notamment dans le transfrontalier), piste  négociée avec le Grand Est et son  Président. Il  y a la solution défendue notamment par Frédéric Bierry et Brigitte Klinkert au nom des deux départements qu’ils président. Il s’agirait dans ce cas de créer une « eurocollectivité à statut particulier tenant compte de la vocation européenne et particulièrement transfrontalière de l’Alsace. Quelle orientation préconisera Jacqueline Gouraud dans le rapport qu’elle présentera pour décision au Premier Ministre? D’autres solutions négociées ou imposées seront-elles retenues?

Les perspectives ouvertes par la décision seront d’autant plus minutieusement mises sous la loupe que sur le terrain régional les avis s’affrontent et qu’un  risque d’extension à d’autres régions peut interpeler le gouvernement qui pourrait être tenté de repousser son arbitrage voire de laisser les choses en …l’état! A Perpignan où on suivra de près la solution alsacienne, des revendications pour la création  d’un département catalan commencent à pointer!

Le maire de Colmar persiste et signe!.

Et si dans les départements  fusionnés avec l’Alsace dans le Grand Est, on commence à l’image du Président Mathieu Klein  de Meurthe et Moselle ou de Jean Louis Masson sénateur et conseiller départemental de Moselle,  à manifester de l’irritation face aux revendications alsaciennes perçues comme un… refus de « vivre ensemble ». Sur le terrain alsacien les divergences menacent d’autant plus que, comme en 2013, la perspective d’élections européennes puis municipales  se précise.

L’exemple du Maire de Colmar Gilbert Meyer, qui a été l’un des  artisans de l’échec du référendum  sur la fusion des départements qu’il disait « menacer le rôle de sa ville », est révélateur à cet égard: ne vient-il pas d’organiser une conférence de presse pour se prononcer en faveur d’une fusion des deux départements alsaciens, le siège unique de la nouvelle organisation devant  être…Colmar et non plus Strasbourg! Quel observateur peut encore douter que le maire de Colmar prépare déjà – sa propre succession à la mairie aux élections municipales de 2020!

 Au siècle des Lumières!

En commençant sa mission Jacqueline Gouraud aura bien conscience  de la difficulté à trouver une (ou « des »?) solution(s)  acceptable(s) par ses interlocuteurs. Dans sa tâche elle aura une sorte d’atout: elle ne connaît pas  cette comptine dont les racines plongent au XVIIIème.siècle.

 

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Il était une fois, au siècle des Lumières, dans le faubourg de Strasbourg-Koenigshoffen, dans un quartier qu’on  appelait (on devine pourquoi ) « Trou à Moustique » (Schnokeloch en dialecte) un aubergiste célèbre pour sa morosité, nous conte la légende que certains veulent authentiques ! Sur la carte de l’auberge, le  cuisinier faisait  figurer  des mets dont, à vrai dire, le propriétaire des lieux  ne  voulait pas  alors que les plats qu’il aurait aimé proposer ne figuraient pas au menu.

L’aubergiste, apprend-t-on, s’appelait « Hans/Jean ». Et un de ses clients étudiants lui dédia cette chanson :« Jean du Trou à Moustique a tout ce qu’il veut, mais voilà, ce qu’il a, il ne le veut pas et ce qu’il veut il ne l’a pas….  »

Les siècles passant, cette chansonnette devint l’expression de la caricature de l’Alsacien qui ne veut pas ce qu’il a et qui veut ce qu’il n’a pas!

Qu’en pensera le gouvernement lorsqu’il tranchera le sort de l’avenir institutionnel de l’Alsace! Et qu’en penseront les habitants concernés?

Alain HOWILLER.

 

 

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