Mercredi 30 mai 2018, l’Assemblée Nationale a adopté en première lecture le projet de loi « Loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, et une alimentation saine et durable ».
Certaines mesures ont été adoptées, d’autres rejetées. Par exemple, l’amendement rendant obligatoire le Nutri-Score, qui indique les vertus alimentaires d’un produit dans les publicités audio-visuelles, a été rejeté avec seulement soixante-trois suffrages exprimés. La raison en est une possible incompatibilité avec la juridiction européenne, qui ferait risquer l’interdiction de toute utilisation du Nutri-Score, par la Commission Européenne. Elle-même vraisemblablement influencée par les lobbys de l’agro-alimentaire.
Lobby, lobbies ou lobbys : Un petit rappel ou peut-être une découverte :
Le lobbying est une pratique courante à Bruxelles, permettant aux députés, fonctionnaires, commissaires… européens d’être informés sur des sujets précis qu’ils ne maîtrisent pas nécessairement. Un lobby est considéré comme un groupe de pression qui tente d’influencer l’argumentaire de la production les lois, les réglementations, l’établissement des normes (industrielles par exemple). les décisions, pour favoriser des intérêts, économiques en général[1].
Parmi les plus importants, on peut citer le lobby du tabac, celui du pétrole, de l’alcool mais aussi celui à la une ces temps-ci ,celui du sucre. Avec environ 21 millions d’euros de dépense chaque année uniquement pour les actions à l’échelle européenne, ce dernier prend donc une place très importante à toutes les échelles : locale, nationale, européenne et mondiale.
En soi le lobbying n’est pas une pratique à bannir totalement ou même à stigmatiser automatiquement. Certes ce mot suscite des réticences mais les ONG sont des lobbys, les syndicats sont des lobbys. Les personnes auprès desquelles le lobbying est exercé sont au courant de ces pratiques et décident en conscience de les accepter ou non. Il est important de noter qu’à Bruxelles, et particulièrement au sein du Parlement Européen, le lobbying est une pratique extrêmement encadrée.
Cependant un problème existe quand la réalité est masquée pour mettre en avant les produits des entreprises quitte à risquer la vie des consommateurs en leur mentant sciemment et sans ressenti d’une quelconque culpabilité. De plus comme les autres, le lobby du sucre ne manque pas d’imagination et mériterait une place sur le podium, si ce n’est la première.
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OMS vs UE
Pas de consensus au sein de l’Union Européenne (UE) sur les risques de la consommation de sucre, alors que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) les pointe du doigt depuis déjà plusieurs années. Suite à des études menées en 1990 et en 2003 par le Dr Philip James à la demande de l’OMS, on peut fixer des seuils pour chaque catégorie d’aliments, affirmer que nous n’avons pas besoin de sucre ajouté et prouver le lien entre le sucre et l’obésité.
Ces deux rapports ont, chacun à son tour, provoqué une révolution au sein de l’industrie agro-alimentaire, poussant les industriels à encore renforcer leur lobbying. En 2003, le Ministre de la santé américain s’était déplacé jusqu’à l’OMS pour réfuter et décrédibiliser le rapport affirmant que le sucre n’est lié à aucun problème de santé. La contre-offensive est musclée et suspecte car on sait bien que lorsque l’on se donne tant de mal, c’est qu’il y a « anguille sous roche ».
Selon une étude de l’EFSA (European Food Safety Authority), on ne peut pas mettre de seuil à la consommation des aliments. En regardant de plus près, on s’est aperçu que treize des vingt experts en nutrition engagés par l’EFSA ont un lien avec l’industrie agro-alimentaire.
Au sein de l’UE, la Commission Européenne a présenté une directive en 2016 autorisant jusqu’à 30% de sucre dans la nourriture pour bébé, rejetée in extremis par les députés européens. Aujourd’hui on tend vers uniquement des conseils ou des recommandations et non une réglementation ferme.
En France, et si cette loi est définitivement adoptée en l’état, 20 % des produits utilisés dans les cantines devront être bio et 50 % sous le signe de qualité. Encore une fois, même si cela constitue de grandes avancées car le seuil de produit bio est actuellement à 3 %, la réglementation concernant le sucre est inexistante.
Echec de certaines solutions simples.
Nutri-Score propose 
La législation européenne a d’ailleurs encadré très fortement la marge de manœuvre des États membres concernant l’étiquetage nutritionnel des emballages alimentaires. Une idée longtemps examinée et même approuvée dans certains pays (les pays nordiques ou la Grande-Bretagne par exemple) était la mise en place d’un code couleur visible sur le devant des emballages. Rouge, mauvais, orange pas très sain mais pas totalement mauvais, vert , tout va bien.
Photo AN.
De plus, dans la loi adoptée par l’Assemblée Nationale, l’utilisation des termes « steak », « saucisse », « bacon » ou autres par les similis-viandes sera interdit, sous prétexte d’une « pratique commerciale trompeuse » selon Jean-Baptiste Moreau,( photo ci-dessus) député LREM et dépositaire de l’amendement. Il s’appuie sur une disposition de la Cour Européenne de Justice datant de juin 2017, une bonne idée car cela montre que l’on s’aligne sur les pratiques européennes afin d’avoir des règlementations similaires dans toute U.E. Mais si la lutte contre l’appellation est mise en œuvre, alors la lutte contre l’action des lobbys devrait l’être aussi. Il s’agit simplement d’être plus exigeants sur la transparence de la composition des produits industriels et des risques pour notre santé.
Une des manières les plus simples de protéger les consommateurs serait de taxer les produits sucrés, subventionner les produits considérés comme sains et limiter la quantité de sucre présente dans les sodas et les aliments transformés. C’est tout du moins ce que préconise l’OMS. Mais encore une fois, l’ANIA (Association Nationale des Industries Alimentaires) est totalement contre. On aurait pu s’en douter!
Eloïse Lehmann
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