Le palmarès vient de tomber… Les cœurs de grand nombre de Festivaliers battaient à tout rompre dans l’émotion peut-être synchrone, provoquée, par 120 battements par minute et Faute d’Amour, ces derniers films s’étant vu respectivement attribuer le Grand Prix et le Prix du Jury. La Palme d’Or revenant quant à elle, au film Suédois, The Square, une comédie satirique sur le milieu de l’art contemporain, pourtant passé relativement inaperçu au moment de sa présentation. Un choix audacieux de la part du jury…
Et les autres ?
Comme à chaque édition, le Festival nous offre son lot de nouveaux talents mais marque aussi le retour au bercail de plusieurs habitués. C’est le cas de Sofia Coppola, lauréate du Prix de la Mise en Scène pour Les Proies, remake du film original de 1970 avec Clint Eastwood mais cette fois-ci, raconté du point de vue des personnages féminins.
En pleine guerre de Sécession, un pensionnat de jeunes filles du Sud reste complètement isolé du monde et du chaos qui l’entoure jusqu’à ce que l’une des pensionnaires recueille un soldat nordiste blessé (Colin Farell). Dans un premier temps, chacune des hôtesses, de la directrice (Nicole Kidman) à l’enseignante (Kirsten Dunst) en passant par l’adolescente aux hormones en pleine ébullition (Elle Fanning) vont se montrer méfiantes vis à vis de leur invité… Avant que l’atmosphère se charge un peu plus chaque jour en tension sexuelle latente, au point de faire naître des rivalités qui pourraient perturber la tranquillité apparente de cette petite communauté.
Un exercice de style qui permet à la réalisatrice de se confronter un peu plus au cinéma de genre en signant un thriller d’époque puissamment féministe, qui n’est pas sans rappeler certains aspects de son premier film, Virgin Suicides (avec ces jeunes filles séquestrées) magnifiquement mis en lumière à la manière d’un conte d’horreur gothique, prenant un malin plaisir à faire cohabiter habilement les genres (film de guerre, huit clos, horreur…).
Et puisque nous parlons de thriller, nous pouvons aussi évoquer Good Time, film de braquage sous tension où deux frères fuient dans les rues de New York après avoir attaqués une banque. Quand l’un d’eux est arrêté, le second n’a d’autres choix que de le faire s’évader. Commence alors une longue nuit, de rebondissements inattendus.
Un film qui ne brille pas tant par l’originalité de son scénario un peu léger notamment dans son dénouement, mais plutôt dans la mise en image presque subversive de cette folle cavale. Un travail de photographie d’orfèvre sur lequel nous avons pu interroger les deux réalisateurs au cours de la conférence de presse. Un moment à découvrir dans la vidéo ci-dessous à partir de la 23’38 :
Une image d’autant plus sublimée par la bande musicale, justement récompensée par le Prix de Cannes Soundtrack (jury de journalistes chargé d’attribuer le prix de la meilleure musique à l’un des 19 films de la Compétition Officielle).
Dans un genre similaire…
… on notera aussi la présentation de We Were Never Really Here où la cinéaste Lynn Ramsay dirige le comédien Joaquin Phoenix, lauréat du Prix d’Interprétation pour son rôle de vétéran de guerre, sombre et tourmenté, chargé de sauver une jeune fille de sénateur enlevée par un réseau de pédophiles. Une tension et une violence maximale servie par une écriture efficace et limpide et donc récompensé par le Prix du Scénario… également attribué (ex-aequo) à Yorgos Lanthimos pour son troublant Mise à Mort Du Cerf Sacré.
Et comment ne pas parler de Diane Kruger, lauréate du Prix d’Interprétation Féminine pour In The Fade, réalisé par Fatih Akin. À coup sûr, le rôle le plus fort et exigeant de sa carrière, celui d’une mère de famille brisée par la perte de son mari turc et de son fils dans un attentat perpétré par un couple de néo-nazis. Un film admirablement construit dans sa narration, débutant comme un récit mélo dramatique sur l’acceptation de l’horreur de la perte des êtres aimés, avant de basculer dans un récit judiciaire poignant puis de se conclure dans une quête de vengeance personnelle explosive…Processus classique.
Un prix plus que mérité pour une actrice et un film qui se devait d’être au palmarès.
On reste toutefois un peu déçu pour François Ozon, toujours aussi inspiré avec son Amant Double mais toujours autant boudé par les récompenses, les jurys et les académies en tout genre… Et pourtant, son film ne manque pas de qualité tant dans les faux semblants et rebondissements qui jalonnent son scénario (autour d’une jeune femme doutant de la véritable identité de son fiancé) que dans la fougue de ses interprètes (Marine Vacth et Jérémie Rénier) ou dans l’ingéniosité de sa mise en scène qui double et redouble d’effets graphiques stylisés, évoquant des grands cinéastes tels que David Cronenberg ou Brian De Palma. C’est justement sur ce point que nous avons pu interroger le réalisateur au cours de la conférence de presse ainsi que sur le fait qu’il s’agissait probablement de son film le moins romantique depuis quelques temps. Un moment à découvrir dans la vidéo ci-dessous à compter de la 16’32 :
Et juste pour conclure en beauté, quelques mots sur la présentation en Hors Compétition d’un autre thriller, D’après une histoire vraie, le nouveau film du Maître Roman Polanski qui voit sa muse et épouse, Emmanuelle Seigner interpréter une romancière à succès en manque d’inspiration jusqu’à sa rencontre avec une lectrice apparemment admirative et dévouée (Eva Green ) mais qui semble cacher d’obscures intentions.
Le cinéaste explore une nouvelle fois les thèmes de la manipulation et du complot en filmant avec élégance, presque à la manière d’un huis- clos, cet affrontement entre deux femmes… Une première dans sa longue et faste carrière même si cela n’a pas suffi à emballer la critique internationale qui y voit une œuvre très mineure de sa filmographie. Nous avons eu la chance de pouvoir participer à notre sixième et dernière conférence de presse avec cette prestigieuse équipe mais, cette fois-ci, sans avoir eu l’opportunité de poser la moindre question, faute de temps et à cause d’une concurrence pléthorique. Les joies de Cannes, jusqu’à la fin.
À relativiser tout de même car nous avons eu de la chance d’assister à ce que nous avons choisi, pour mieux vous en rendre compte. Pour que vive le cinéma !
Nicolas Colle.
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