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Des lettres de noblesse pour la science fiction.

Un thème qui a fait salle comble au forum européen de bioéthique et a réuni une brochette d’éminents spécialistes de tous les genres de la SF (voir ci dessous).

Longtemps, il y a quelques décennies, la science fiction a été boudée par un large public qui la considérait comme un fantasme écervelé, une projection dans l’inconnu et l’impossible. Aujourd’hui, avec les progrès technologiques, souvent au service de romancier, de scénariste, de réalisateur, de déssinateur de haute tenue, on en est arrivé à un Art incontestable dont le genre regroupe de multiples facettes (histoire d’amour, thriller, policier, poésie, sociologie, géopolitique…). Pour autant, on ne confondra pas prospective et SF. La première est œuvre de savants autorisés qui spéculent sur un avenir possible mais incertain. La seconde est éminemment libre, n’en appellant qu’à l’imagination.

Un repère d’actualité.

Et puisque le festival du Film Fantastique de Gérardmer a rendu son palmarès voilà quelques jours, nous trouvons opportun de mettre en relation ici deux des films qui y ont été primés avec les propos tenus par Monsieur Faruk Gunaltay, Directeur du Cinéma L’Odyssée de Strasbourg et intervenant dans cette séquence du Forum.

Tout d’abord, le Grand Prix du Festival et Prix de la Critique, « Grave » premier film de la réalisatrice Julia Ducourneau. Une œuvre qui a su se distinguer par son aspect transgenre, n’hésitant pas à surfer sur le genre du « teen-movie » et du récit d’apprentissage avant de glisser peu à peu vers l’horreur cannibale pure.

Le pitch : Justine, une jeune fille issue d’une famille de vétérinaire et de végétarien, décide de suivre la tradition familiale en intégrant l’école véto où sa sœur est d’ores et déjà scolarisée. Mais lorsque le bizutage des premières années commence, on l’oblige à manger de la viande pour la première fois de sa vie. Justine va alors se découvrir un goût prononcé pour… la chair humaine.

On retrouve ici la notion de surhumanité qui rejoint celle de la révélation du monstrueux, pourtant jusqu’à lors caché au plus profond de soi, mais réanimé par une intervention d’autrui, délibérée. Un personnage qui se retrouve presque dans la dimension monstrueuse d’un « Docteur Jekyll et Mr Hyde », en accédant à sa dimension horrifique et cannibale tout en restant soi même par moments et luttant contre sa nouvelle nature afin de préserver son humanité.

Citons également « The Girl With All The Gifts » du britannique Colm McCarthy, récompensé du Prix du Public, véritable hommage aux films de zombies post apocalyptique ainsi qu’au jeu vidéo « The Last of Us », phénomène incontournable de la pop-culture contemporaine.

Dans un futur dystopique, l’humanité a été ravagée par un mystérieux virus. Les personnes ayant été affectées, ont été transformées en zombies affamés de chair humaine. Seul un petit groupe d’enfants, certes infectés mais disposant encore d’une intelligence et d’une certaine maîtrise de soi semble constituer un espoir de survie pour l’espèce humaine. Emprisonnés dans une base militaire, les voila soumis aux cruelles expérimentations du Docteur Caldwell (Glenn Glose) qui tente désespérément de trouver un remède afin de sauver l’humanité de son extinction. Tous ces enfants suivent la classe de l’institutrice de la base, Helen Justineau (Gemma Arterton). Celle-ci, révoltée par les pratiques du Docteur Caldwell, entretient une relation privilégiée avec une de ses élèves, Mélanie, qui semble posséder d’exceptionnelles capacités de conscience de soi. Lorsque la base est attaquée par les zombies, le trio parvient à s’échapper et se retrouve plongé au cœur d’une Grande Bretagne dévastée, au bord du chaos. Mélanie, bien que prisonnière, devient alors un guide précieux pour ses compagnons de fortune, en raison de ses liens avec l’ennemi… On est bien dans l’illustration du sujet.

A l’instar de l’exemple précédent, nous retrouvons ici la figure de l’enfant frappé par une malédiction et qui se voit lutter intérieurement contre sa double identité avant de l’accepter. Mais une autre notion peut aussi être relevée, celle du personnage initialement considéré comme un danger, un paria au sein d’un groupe d’individus mais dont la différence va s’avérer être un élément essentiel pour protéger sa communauté du danger qui l’entoure.

Autre élément intéressant, constatons à quel point la notion de surhumanité est ici complètement remise en question car si, dans certains récits fantastique et de science fiction, un personnage peut se qualifier de surhomme et désigner la race humaine comme étant sous humaine et devant servir l’intérêt de l’être supérieur, dans ce film là, il s’agit bien d’une scientifique non infectée, qui pense pouvoir sacrifier des enfants afin de sauver son espèce, au risque de sacrifier sa propre humanité.

Ainsi, ces deux personnages antagonistes que sont le Docteur Caldwell et la jeune Mélanie, soulèvent la problématique de la monstruosité inhérente à l’être humain, capable aussi bien d’une héroïque humanité que d’une héroïque inhumanité. En effet, Mélanie, malgré son infection et le risque de devenir un monstre cannibale à tout moment, exploite tout ce qu’il lui reste d’humain en elle pour protéger ses compagnons dans leur quête de sauver leur espèce. Tandis que le Docteur Caldwell, malgré son apparente humanité, n’hésite pas à tenter de perpétrer un acte monstrueux que celui de sacrifier de jeunes enfants pour une quête néanmoins identique.

Alors se posent les questions : Qui sont vraiment les monstres et que reste-t-il d’humain en nous quand l’humain n’est déjà presque plus là ?

De nombreuses réponses auraient été sans doute apportées surtout par Stéphanie Nicot et Catherine Dufour ou les autres membres du plateau, tous brillantissimes. Ce sera pour une autre rencontre.

Nicolas Colle.

 

 

 

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